
La région de Dnipro, où les troupes russes sont parvenues à entrer depuis quelques semaines, est un refuge pour des dizaines de milliers d’Ukrainiens déplacés de la zone active de combat.
Malgré l’adversité, certains ont aussi décidé de secourir les animaux, autres victimes de la guerre.
Elles sont toutes trois assises dans un canapé moelleux, non pas dans un salon, mais à l’extérieur, dans l’abri couvert de tôle et grillagé du refuge pour chats qu’elles sont fières de présenter.
À Pavlohrad, dans la région de Dnipro, à quelques dizaines de kilomètres seulement de la ligne de front, Ludmila, Tanya et Oksana, trois femmes originaires de Toretsk, profitent du soleil, entourées d’une vingtaine de félins qu’elles ont sauvés de la ligne de front.
Avec l’aide du bataillon médical des Hospitaliers qui a construit ces enclos de fortune, elles en prennent soin quotidiennement, alors que leur propre vie a été bouleversée.
Elles ont été obligées de quitter leur domicile à Toretsk, une ville minière du bassin industriel du Donbass qui comptait 70 000 habitants avant 2014 : tombée aux mains des Russes en août 2025, elle est désormais en ruines.
Beaucoup d’animaux ne survivent pas dans la rue »
Comme 3,7 millions d’Ukrainiens, Ludmila, Tanya et Oksana, sont devenues « déplacées internes » , des réfugiées dans leur propre pays.
Ludmila, professeure de musique âgée de la cinquantaine, se rappelle de la première bombe tombée sur Toretsk :
« C’était en 2014, le 11 juillet, jour de mon anniversaire.
Au moment où tout le monde m’appelait pour me présenter ses vœux, j’ai entendu la première explosion.
» Au fil des années, l’école de musique de Ludmila a perdu ses élèves, et la professeure a rallié ses deux voisines et amies, Tanya et Oksana pour s’occuper des animaux abandonnés :
« Ça nous paraissait normal, et plus encore après 2022, car beaucoup d’animaux ne survivent pas dans la rue lorsque leurs familles fuient. »
Tanya, ancienne éleveuse de bétail et bénévole dans une clinique vétérinaire, ajoute : « Ludmila ne se contentait pas de les nourrir, elle ramenait chez elle tous ceux qui n’auraient pas pu survivre ! »
Ludmila confirme : « Je suis restée aussi longtemps car je n’envisageais pas de les abandonner ! »
Un sens à leur vie
Au printemps 2024, lorsque la situation est devenue insoutenable et que Ludmila s’est résignée à quitter Toretsk, le bataillon médical des Hospitaliers l’a évacuée, tout comme Tanya et Oksana, et leurs protégés chats et chiens, auxquels se sont depuis ajoutés d’autres animaux évacués de la ligne de front.
Depuis, Ludmila a pu reprendre son activité de professeure de musique à Kiev, où elle vit chez son fils avec huit chats et deux chiens, tous rescapés de Toretsk :
« Je continue de travailler pour pouvoir aider ce refuge financièrement, et lorsque je ne peux pas me déplacer, j’envoie de la nourriture, chaque mois ».
Tanya et Oksana, toutes deux retraitées, n’ont pas de famille chez qui aller.
Elles touchent bien une pension de « relocalisation », mais celle-ci est insuffisante pour envisager de s’installer plus loin de la ligne de front, comme l’explique Oksana : «
On reste ici à cause de nos revenus, mais aussi parce que la plupart des propriétaires ne veulent pas d’animaux dans leurs appartements.
Oksana et Tanya savent que devant les avancées des troupes russes, il leur faudra peut-être à nouveau fuir, plus à l’Ouest.
En attendant, elles logent à côté du refuge, et c’est par les soins qu’elles procurent quotidiennement aux animaux et en cultivant le lien qui les unit toutes trois que ces dames de Toretsk trouvent encore un sens à leur vie.




