Serait ce une solution géniale face à un problème majeur lié à l’environnement ?

Fils d’un peintre croate et d’une mère néerlandaise guide touristique à Delft, la jolie ville universitaire où elle l’a élevé, il est pourtant un autodidacte.

A 18 ans, il abandonne sa première année d’ingénierie aérospatiale pour se consacrer à un projet complètement fou: nettoyer 90% des océans d’ici à 2040.

L’histoire a démarré deux ans plus tôt.

A l’âge de 16 ans, lors d’une plongée avec des amis en Grèce, Boyan Slat recense plus de plastique que de poissons.

De là, son idée fixe une «obsession», admet-il.

Lui qui ne connaissait rien à l’incroyable complexité des océans, de leurs courants, de la force des vagues ou des interférences des vents, et qui a le mal de mer, décide de s’attaquer à leur pollution et notamment au vortex de déchets du Pacifique Nord cette nappe de détritus de plastique entre Hawaii et la Californie couvrant aujourd’hui plus de trois fois la surface de la France.

Il se documente et réalise qu’il n’existe pas, comme il nous le confie, «de plans sérieux pour régler cet immense problème».

Relever un défi planétaire reconnu impossible, voilà ce qui plaît à cet ado de génie.

«On peut choisir de gravir un sommet des Pays-Bas, dont le point culminant est à 321 mètres, ou le mont Everest», explique-t-il.
Boyan Slat est un adepte des ouvertures de voies.

Le lycéen s’attaque donc à ce qu’il nomme alors son «projet d’extraction de déchets marins.

En 2021, la première opération de nettoyage à grande échelle

Il imagine un système d’immenses barrages flottants qui, en se déplaçant grâce aux courants, ramasseraient les débris de plastique.

Il présente, à 18 ans, son idée à une conférence Ted (Technology, Entertainment and Design) et récolte en quelques mois 2,2 millions d’euros de financement participatif.

De quoi se lancer dans l’aventure.

Il crée sa boîte à but non lucratif, The Ocean Cleanup, recrute des dizaines de personnes, lit, questionne, se forme.

Avec la passion des néophytes.

Et probablement un petit quelque chose en plus.

Il n’aime pas qu’on lui demande s’il a le sentiment d’être différent, il regarde ailleurs, attend la prochaine question mais, parce qu’elle ne vient pas, finit par répondre que ce qu’il fait tous devraient le faire.

Il n’y a pourtant pas beaucoup de Boyan Slat dans le monde.

Chemin faisant, il a connu nombre de désillusions.

Mais jamais elles ne l’ont fait abandonner.

Les déconvenues l’ont contraint à plusieurs reprises à repousser les échéances.

Mais il n’a pas remisé celle qu’il s’était fixée du haut de ses 18 ans: nettoyer 90% des océans d’ici à 2040.

Comme il a toujours gardé son idée originelle: créer une côte artificielle en pleine mer, un immense flotteur, équipé d’une longue jupe pour empêcher les débris de s’échapper par le bas, et les conduire dans le système de rétention.

Des milliardaires de la Silicon Valley, des fondations caritatives… ont été convaincus.

Aujourd’hui, il a levé plus de 40 millions d’euros qui lui ont permis de tester différentes versions de son «nettoyeur des océans».

En septembre 2018, dans la baie de San Francisco, sous le Golden Gate, il présente devant la presse du monde entier System 001.

Quatre mois plus tard, les vagues ont eu raison de cet énorme boudin de 600 mètres de long.

Il met alors au point en juin 2019, System 001/B capable d’attraper des grands comme des micro-morceaux de plastique 1 millimètre de diamètre minimum.

Mais il lui faut désormais réussir à en faire un modèle très résistant, reproductible à grande échelle.

Déterminé, il se remet à l’ouvrage et développe System 002, qui devrait, espère-t-il, cocher toutes les cases.

Il attend avec impatience les résultats des derniers tests.

S’ils sont concluants, il lancera, au deuxième trimestre 2021, la «première opération de nettoyage entièrement opérationnelle à grande échelle» dans le vortex de déchets du Pacifique Nord.

L’année prochaine devrait donc être celle de la consécration.

Et celle de la naissance d’un monde plus propre.

Mais, parce que valider un nouveau prototype prend du temps et que ce temps-là n’existe plus quand il faut rassurer les investisseurs, faire parler de soi et avancer, ce jeune homme pressé s’est engagé dans des aventures parallèles, manière aussi de répondre aux critiques.

L’une d’entre elles la principale est que son invention s’attaque au problème du plastique sans tarir la source, alors qu’il faudrait en réduire drastiquement la production et mieux le recycler.

Boyan Slat s’appuie sur un chiffre élaboré par son ONG mille fleuves sont responsables d’environ 80% de la pollution plastique des océans pour inventer une péniche, l’«Interceptor», capable d’attraper 50000 kilos de plastique par jour le double dans les conditions optimales.

Les deux premières ont été déployées en octobre 2019, en Malaisie et en Indonésie.

Cet adepte des défis s’est alors donné un nouvel objectif: endiguer en cinq ans la pollution dans ces mille fleuves.

En parallèle, il vient de se lancer dans le recyclage des produits ramassés: il produit des lunettes, depuis septembre.

Vendues 199 euros la paire, chacune permettrait de nettoyer l’équivalent de 24 terrains de football.

Boyan Slat sait transformer des choses compliquées en données accessibles.

Dans ses bureaux sans âme d’Ocean Cleanup à Rotterdam, ce héros précoce et obstiné, persuadé que le salut viendra de la technologie, nous raconte sa bataille.

Il est habité par elle.

Comme il sera habité par la prochaine.

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