Le poumon vert bientôt transformé en savane ?

Incendies en Amazonie: quelles conséquences pour l’Homme et l’environnement?

Les flammes détruisent de vastes surfaces de la forêt amazonienne.

Souvent considérée « comme le poumon de la planète », elle est un élément essentiel de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les importants incendies qui touchent la forêt amazonienne ont provoqué une vive émotion à travers le monde.
Sur les réseaux sociaux, les internautes partagent des photos du « poumon vert » en flammes, avec les hashtags #PrayforAmazonas et #PrayForTheAmazon.

Les conséquences de ces incendies, provoqués par la déforestation massive, pourraient être dramatiques pour l’équilibre du climat dans le monde et pour le maintien de centaines d’espèces animales et végétales.

Des risques pour la santé des populations

Les incendies en Amazonie ont des conséquences directes sur la santé des populations.

Depuis plusieurs semaines, d’importantes quantités de monoxyde de carbone et des particules fines s’échappent dans l’air et atteignent les villes.

L’air devient toxique pour les populations », explique à BFMTV.com, Philippe Ciais, chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement.

Le 19 août dernier, São Paulo a ainsi été surpris par une obscurité soudaine en milieu d’après-midi, et une pluie grise s’est abattue sur la ville.

Des analyses ont mis en avant « une très grande quantité de particules fines », supérieure à la moyenne enregistrée dans des situations similaires, c’est-à-dire un épisode pluvieux après plusieurs jours de sécheresse, selon Marta Marcondes, spécialiste en ressources hydrauliques et en pollution de l’eau.

À Porto Velho, capitale de l’Etat amazonien de Rondônia, à 3.000 km au nord-ouest de São Paulo, la concentration de fumée a surgi dans l’actualité lorsqu’un vol a dû être dérouté par manque de visibilité.

« Le nuage de fumée nous pourrit la vie », témoigne Roberto dos Santos, un motard qui raconte comment les incendies bouleversent le quotidien de cette petite ville.

« Le matin, on ne peut même plus voir les voitures.

Ma fille est tombée malade, j’ai dû l’emmener aux urgences.

Des animaux brûlent vifs dans la jungle, certains fuient vers la ville pour y trouver refuge ».

L’Amazonie ne peut plus jouer son rôle de « poumon vert »

L’Amazonie est communément appelée le « poumon vert » de la planète.

Plus grande forêt tropicale du monde, elle s’étend sur une superficie de 5.5 millions de km² et absorbe à elle seule, chaque année, une importante partie des émissions de CO2 produites par l’homme.

Elle emmagasine en effet 90 à 140 milliards de tonnes de CO2, soit 14% du CO2 mondial, ce qui contribue à réguler le réchauffement climatique dans le monde, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF).

Mais cette capacité d’absorption baisse avec la déforestation.

Une étude scientifique parue dans la revue Nature fin juillet a déjà établi que les forêts tropicales sont devenues neutres en émission de carbone.

Autrement dit, les arbres absorbent à présent autant de CO2 qu’ils en rejettent.

Avec les importants incendies qui touchent actuellement « ce poumon vert », cela s’empire et l’équilibre s’inverse: la quantité de CO2 rejeté devient plus importante que la quantité absorbée.

« Les forêts tropicales ont une particularité: elles contiennent énormément de carbone, bien plus que les forêts que l’on a en Europe », rappelle Philippe Ciais.

« Avec les incendies, un énorme dégagement de CO2 se produit qui ne peut pas être compensé par l’absorption des arbres épargnés par les flammes.

Autrement dit, le CO2 relâché ne va pas être récupéré et l’équilibre est détruit. »

Il est pour le moment impossible de déterminer avec précision la superficie de forêt qui a brûlé ces dernières semaines.

On sait en revanche que, d’après l’Institut national de recherche spatiale (INPE), 75.336 feux de forêt ont été enregistrés au Brésil de janvier jusqu’au 21 août, soit 84% de plus que sur la même période de l’an dernier, et plus de 52% concernent l’Amazonie.

Une forêt tropicale transformée en « savane »

« En Amazonie, 80% de la pluie est due à des particules d’eau qui s’évaporent de la forêt.

La pluie tombe dans les sols, les arbres se regorgent d’eau par leurs racines profondes, puis l’eau s’évapore de nouveau par les feuilles provoquant un nuage, puis de la pluie », explique Philippe Ciais. « 

Avec la déforestation et ces incendies, les sols s’assèchent, empêchant ce cycle de naturel de l’eau de perdurer.

Ce cycle brisé, les arbres ne peuvent plus vivre et entraîner les précipitations qui rafraîchissent l’atmosphère

Au total, près de 20 milliards de tonnes de vapeur sont rejetées par jour par la forêt amazonienne. Mais ce chiffre diminue au fur et à mesure que la déforestation avance et que les incendies détruisent la végétation.

L’Amazonie a perdu près de 20% de sa surface depuis 1970, et les prévisions misent sur une perte de 70% d’ici à 2050.

Le risque que la forêt tropicale que nous connaissons disparaisse s’accentue.

Elle serait alors progressivement remplacée par des herbes hautes, voire par une savane qui nécessite moins d’eau.

L’atmosphère serait moins rafraîchie.

Beaucoup moins de carbone serait par ailleurs absorbé, amplifiant encore l’effet de serre.

Le plus grand réservoir de biodiversité au monde

Enfin, l’Amazonie est le plus grand sanctuaire de la biodiversité au monde.

Des milliers d’espèces de plantes, d’animaux et d’insectes y cohabitent.

A cela s’ajoutent des milliers d’espèces jamais recensées.

« L’Amazonie héberge une biodiversité phénoménale: 40 000 espèces de plantes, 3000 espèces de poissons d’eau douce et plus de 370 de reptiles, soit une espèce sur dix existantes sur Terre », explique WWF, qui rappelle que 440 espèces ont été découvertes entre 2010 et 2013.

La région est aussi l’un des derniers refuges terrestres de certaines espèces en voie d’extinction, comme le jaguar, le saki satan, l’aigle harpie ainsi que les dauphins roses.

« Dans chaque hectare de forêt vivent près de 200 espèces différentes, dont beaucoup sont encore inconnues.

Il s’agit de réserves de biodiversité uniques.

Quand leur habitat est détruit, il est perdu pour toujours.

Il ne pourra pas être restauré, ou recréé. C’est une perte inestimable », déplore Philippe Ciais. Source : BFM TV

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