Coronavirus : « Le Covid-19 semble générer une odeur spécifique que peuvent détecter des chiens spécialement entraînés »
L’école vétérinaire de Maisons-Alfort (Val-de-Marne) lance une étude sur la détection du coronavirus par des chiens spécialement entraînés
Et si le coronavirus avait une odeur spécifique ?
Dans ce cas, des chiens entraînés à détecter cette odeur pourraient, grâce à leur flair, détecter le virus chez des personnes qui en sont porteuses.
C’est l’objet de la recherche menée par des vétérinaires et des pompiers, qui espèrent trouver grâce à cet essai « un mode de dépistage fiable et complémentaire des tests déjà disponibles », explique le Pr Dominique Grandjean, qui supervise ces travaux.
Un flair redoutable.
Déjà capables de retrouver des personnes disparues, de dépister le diabète ou même certains cancers, les chiens auraient peut-être aussi la capacité de sentir le coronavirus.
C’est le pari du Pr Dominique Grandjean, professeur à l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort (Val-de-Marne) et chef du service vétérinaire de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), qui lance un essai mené conjointement par des vétérinaires et des pompiers.
Cette recherche prévoit d’expérimenter les compétences cynotechniques pour détecter le Covid-19. L’objectif, « permettre un dépistage fiable et massif du coronavirus, espère le Pr Grandjean.
Si on arrive à valider cette expérimentation, les chiens apporteront une solution complémentaire aux tests PCR et sérologiques, qui ont chacun des limites ».
Comment cet essai est-il né ?
Le coronavirus a-t-il une odeur particulière que le flair des chiens leur permettrait de capter ?
On sait d’ores et déjà que les chiens ont cette capacité à flairer certaines maladies.
On sait aussi que certains virus ont bien une odeur spécifique.
C’est d’ailleurs ce qui a été mis au jour par les équipes de l’Université Auburn, dans l’Alabama, qui ont démontré la capacité des chiens à détecter une maladie des muqueuses chez les bovins, un virus pour lequel il n’existait pas de test de dépistage fiable.
Spécialement entraînés, les chiens ont aujourd’hui la capacité de le détecter.
Nous voulons donc reproduire cela pour la détection du SARS-Cov2.
Cette recherche s’inscrit dans le cadre de l’essai Nosais, un projet de développement de détection médicale par les chiens.
Nous venons tout juste de lancer les premiers essais, auxquels participent l’Université franco-libanaise de Beyrouth, le Service d’Incendie et de Secours de la Corse-du-Sud et la brigade des pompiers de Seine-et-Marne (SDIS 77).
L’objectif est de faire la même chose que les Américains, mais avec le Covid-19, en tablant sur le fait qu’il laisse une trace spécifique dans l’organisme, une trace que le flair des chiens puisse détecter.
Dans le protocole que vous venez de lancer, comment entraînez-vous les chiens à détecter le Covid-19 ?
Une personne ayant le coronavirus va en éliminer des traces, ce sont des « catabolites » induits par le virus, que l’on retrouve dans les urines, les selles, les larmes, ou encore la salive et la sueur.
D’autres pays ont lancé des études similaires à la nôtre, notamment sur l’urine, ou la salive, mais le risque sanitaire dans ce cas est plus élevé.
Notre essai porte sur la détection du virus dans la sueur, parce que dans celle-ci, il n’y a pas d’excrétion de virus, donc pas de risque de contamination.
D’autant que la sueur caractérise chaque personne, donc si l’essai fonctionne, cela peut apporter un mode de détection très fiable.
En pratique, nous collaborons avec des hôpitaux, où sont pratiqués des prélèvements de sueur axillaire sous les aisselles chez des patients testés positifs au coronavirus.
Des tampons de ouate sont placés quelques minutes sous leurs bras, avant d’être enfermés 24 heures dans des boîtes hermétiques pour s’assurer que les échantillons ne contiennent plus aucune particule virale.
Nous travaillons avec des chiens pompiers et habitués à rechercher des personnes disparues, et avec des chiens de la société
Diagnose, dont les animaux, formés à la détection d’explosifs notamment, ont déjà intégré un catalogue de plusieurs dizaines d’odeurs spécifiques.
Ici, il s’agit de les entraîner à identifier l’odeur caractéristique que pourrait avoir le Covid-19.
Soit une odeur de plus à la bibliothèque d’odeurs spécifiques qu’ils ont en mémoire.
Les échantillons sont placés dans des bocaux stériles puis dans une petite trappe, près du jouet préféré du chien.
Accompagné de son maître, il vient respirer cette odeur avant de récupérer son jouet.
Pour lui, flairer le virus devient un jeu.
Puis, on soumet une ligne d’échantillons un positif et plusieurs négatifs au flair du chien, qui va aller s’asseoir devant l’échantillon positif.
Aujourd’hui, nous en sommes à cette phase de formation des chiens à la détection de l’odeur du coronavirus.
Nous avons commencé il y a tout juste quelques jours, mais selon les premières remontées que nous avons, on peut être sûr que le coronavirus génère un effluve particulier que l’on retrouve dans la sueur.
En cas de succès de cet essai, quelles pourraient être les applications pratiques ?
Comment inscrire cette découverte dans la stratégie française de dépistage du Covid-19 ?
D’autres pays ont-ils déjà manifesté leur intérêt pour vos travaux ?
Les premiers essais sont encourageants, et nous devrions avoir des résultats concrets d’ici à trois semaines.
Ensuite, il faudra obtenir la validation scientifique de ce protocole.
Si cette méthode de détection du virus fonctionne, cela permettra de faire de la détection de masse du Covid-19.
Un seul chien pourrait « tester » plusieurs centaines de personnes chaque jour.
Cela pourrait être déployé dans les aéroports, au débarquement des paquebots, et même à l’échelle de certaines municipalités.
Cela viendrait en complément des tests PCR et sérologiques, qui ne sont pas fiables à 100 %, qui ont un taux important de faux négatifs.
C’est un dispositif rapide, qui ne nécessite aucun matériel de prélèvement, donc aucun risque de pénurie de réactif ou d’un écouvillon !
C’est pratique et ce n’est pas cher, ce qui en fait un atout intéressant aussi pour la stratégie de dépistage des pays les plus pauvres, qui n’ont pas une capacité importante de tests biologiques.
A ce jour, plusieurs pays parmi lesquels le Brésil, la Belgique, le Maroc ou la Suisse, ou encore le Québec, ont manifesté leur intérêt