Humidité et promiscuité des employés en sont les principales causes .

Les cas de contamination au Covid-19 se multiplient ces derniers jours dans les abattoirs.

Certains s’interrogent sur les risques potentiels pour la consommation de la viande.

Il y a quelque jours, au moment de préparer le déjeuner pour elle et ses trois enfants,

Laurence a été prise d’un doute.

Et si le rôti de porc qu’elle s’apprêtait à cuisiner présentait un risque sanitaire, avec tous ces cas de Covid-19 qui ont émergé dans plusieurs abattoirs de l’Hexagone ?

Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture, s’est pourtant voulu rassurant ce mercredi 20 mai 2020 : même en ces temps de coronavirus, la viande peut être consommée sans danger.

Mais alors pourquoi voit-on apparaître ces foyers épidémiques en France, en Allemagne et même aux Etats-Unis ?

Gilles Salvat, directeur général délégué à la recherche à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), a accepté de faire le point avec nous. « Le Covid est une maladie respiratoire, pas alimentaire »

D’ores et déjà, Gilles Salvat indique partager l’avis de Didier Guillaume : nous pouvons consommer de la viande sans aucun danger, dans le sens où le Covid-19 est « une maladie qui ne se transmet pas par voie alimentaire mais par voie respiratoire ou par les mains lorsqu’elles sont portées près du nez », en manipulant des produits ou des surfaces contaminées par exemple.

Le danger ne vient pas de la viande directement, mais la viande peut avoir été contaminée en surface après avoir été manipulée par une personne infectée, par exemple.

Au même titre que des pommes, qui pourraient porter le virus au cours d’une cueillette ou après avoir été touchées par un client infecté dans un magasin.

Mais à ce niveau-là, la viande présente un avantage, rappelle Gilles Salvat : que ce soit dans les abattoirs ou en magasin, la viande n’est pas manipulable ni emballée par les clients, mais uniquement pas des professionnels.

Ce qui limite la circulation du virus par contact.

Par ailleurs, à ce jour, près de 14 000 publications scientifiques consacrées au Covid-19 ont vu le jour, souligne le spécialiste de l’Anses.

Et aucune ne mentionne une contamination par voie alimentaire.

C’est du jamais-vu.

Toute la communauté scientifique du monde entier est mobilisée.

Et depuis plusieurs mois que circule le virus et avec plus de 4 millions de cas de contamination, s’il y avait un quelconque risque alimentaire, on s’en serait très vraisemblablement rendu compte !
Le Covid-19 ne vient pas des animaux »

Comment alors expliquer l’émergence de ces clusters de contamination dans les abattoirs ?

« Ce que l’on sait déjà, c’est que ça ne vient pas des animaux« , indique Gilles Salvat, évoquant les expériences menées sur des porcs et des volailles par deux laboratoires étrangers (l’un en Chine, l’autre en Allemagne).

Le principe est le suivant, explique le directeur général délégué de la recherche à l’Anses :

On prend un animal sain à qui l’on occulte le virus en très forte dose par voie nasale et on observe son comportement, c’est-à-dire s’il est malade, si l’on peut détecter le virus par voie respiratoire ou dans ses excréments, si le virus circule, s’il se multiplie….

Une attention particulière était portée aux cochons, dont les récepteurs au virus sont proches de ceux de l’homme.

« Mais ces expérimentations ont montré que le virus n’infecte pas ces espèces, et d’autres expériences sont menées sur les bovins », ajoute Gilles Salvat.

Des espaces humides

Si la piste des animaux est écartée des sources de contamination dans les abattoirs, il faut alors se pencher sur la seconde : la transmission par l’homme.

Les abattoirs font partie des entreprises qui n’ont pas connu d’arrêt pendant le confinement.

« Même si beaucoup ont dû réduire leur personnel », souligne Gilles Salvat. la production a continué avec des employés qui n’ont pas été vraiment confinés et qui ont continué à bouger entre leur communauté familiale et leur travail, et donc à être exposés au Covid-19, au même titre que les hôtesses de caisse dans les supermarchés.

Comment expliquer alors qu’il y ait autant de cas dans les abattoirs et pas dans les magasins de grande distribution ?

Plusieurs paramètres peuvent rentrer en jeu, explique le spécialiste de l’Anses.

A commencer par le fait que les abattoirs sont des espaces plutôt à température ambiante (à l’exception des salles de refroidissement) et surtout très humides.

Et les ateliers de découpe des lieux froids mais également très humides.

Or les autorités sanitaires s’accordent sur le fait qu’une atmosphère froide chargée en humidité favoriserait la conservation du virus.

La chaleur dégagée par les employés, qui expirent de l’air (logiquement à 37°C) dans un atmosphère où les températures peuvent atteindre 4°C, crée un effet de condensation dans les parties chaudes de l’abattoir, les animaux et les activités humaines dégagent également de la condensation.

« Ce n’est pas un problème d’hygiène de l’outil »

Autre situation causée par les masques : dans des espaces fermés et très bruyants, il est souvent professionnellement nécessaire de retirer son masque pour hausser le ton et pouvoir correctement échanger avec ses collègues.

Et ainsi s’exposer plus facilement à une contamination.

Sans oublier la notion d’humidité mentionnée plus haut.

« Le problème, c’est que dans ce contexte humide, le masque n’a pas la même durée de vie.
Dès lors qu’il est mouillé, il faudrait le changer », indique Gilles Salvat, qui pointe également du doigt les équipements des abattoirs.

Certains revêtements sont en effet favorables à la survie du virus.

« C’est le cas du linox par exemple », explique-t-il.

Mais la contamination des surfaces ne perdure pas d’une journée à l’autre, puisque les outils comme les surfaces de travail sont complètement désinfectés tous les jours.

Ce n’est donc pas un problème d’hygiène de l’outil ou de manque de qualification sanitaire du personnel.

De même, il s’agit, « dans les prochaines semaines », d’observer de plus près les systèmes de ventilation présents dans la plupart de ces usines, poursuit le spécialiste de l’Anses.

Certaines usines sont encore équipées de systèmes de ventilation à plus grande vitesse d’air qui pourraient contribuer à la diffusion de gouttelettes respiratoires sur de plus grandes distances entre les postes de travail.

La promiscuité des employés

Enfin, il faut prendre en considération le fait que les abattoirs et les ateliers de découpe sont des espaces fermés où les employés sont proches les uns des autres et contraints à travailler ensemble, souvent à la chaîne où il n’est pas forcément possible de respecter une distanciation physique.

Et ce n’est même pas la peine d’envisager le télétravail !

Les salles de pause sont également problématiques aux yeux de Gilles Salvat :

« C’est vrai qu’il y a un certain roulement dans beaucoup d’entreprises, pour éviter un nombre de personnes trop important dans les salles de repos, qui servent aussi d’espace pour se restaurer (ce qui est nécessaire, étant donné que ce sont des métiers très physiques).

Vous êtes alors contraints d’enlever votre masque. ».

Et quand bien même les gestes barrière sont respectés et les mains lavées soigneusement, une promiscuité demeure.

Il suffit d’une personne contaminée !

Sans parler des problèmes d’approvisionnement de masques…

A ce jour, des enquêtes sont menées pour dépister et isoler les malades dans les abattoirs, en parallèle des 3 000 lieux de prélèvements désormais disponibles sur tout le territoire.

Objectif : éviter une hausse du nouveau nombre de cas de contamination.

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