De la vraie viande, sans tuer d’animaux : êtes-vous prêts à passer au steak artificiel ?
Alternative éthique à l’élevage industriel, la viande produite in vitro à partir de cellules souches est pour beaucoup une piste séduisante pour répondre à l’explosion démographique et aux enjeux climatiques.
Un avant-goût de l’assiette du futur ?
Alors que les USA viennent d’ouvrir la voie à une future commercialisation.
L’administration américaine a dévoilé vendredi 16 novembre un cadre réglementaire ouvrant la voie à la commercialisation d’aliments conçus en laboratoire à partir de cellules animales, dès qu’ils seront disponibles sur le marché.
Ces dernières années, plusieurs startups se sont notamment lancées dans l’élaboration de viande artificielle.
Mais le coût de production est encore très élevé et aucun produit n’est pour l’instant prêt à être vendu.
Il n’y a pas si longtemps, en 2013 : le premier burger à base de viande de bœuf artificielle était dégusté à Londres.
Fabriqué in vitro à partir de cellules souches de vache, son steak pesait 142 grammes, pour un prix total de 250.000 euros.
Six ans plus tard, cette scène n’est plus de la science-fiction.
Pionnière dans ce domaine, l’entreprise américaine Memphis Meats, dans laquelle ont récemment investi, entre autres, le milliardaire et philanthrope Bill Gates (fondateur de Microsoft), Richard Branson (patron de Virgin) et Jack Welch (ancien PDG de General Motors), a pour ambition de fabriquer la bidoche du futur : une viande dite « propre », conçue à partir de cellules musculaires animales, élevées non pas en plein air mais en laboratoire dans une boîte de Pétri (boîte utilisée pour la culture de micro-organismes).
Depuis mars 2017, cette start-up de la Silicon Valley a débuté la production de viandes de poulet et de canard, sans élevage, totalement artificielles.
Un avant-goût de l’alimentation du futur ?
Comment fabrique-t-on de la viande in vitro ?
Le concept de viande artificiel est étudié depuis plusieurs années par les scientifiques.
Le tout premier prototype d’un tel aliment, le fameux « Frankenburger », dévoilé il y a cinq ans à Londres, a été élaboré par le scientifique néerlandais Mark Prost.
Au total, 20.000 fibres de muscle ont été nécessaires pour que celui-ci ressemble à un steak haché traditionnel.
Le scientifique, qui avait enfilé pour l’occasion sa toque de chef, a ensuite ajouté à sa préparation une pincée de sel et de safran, un peu de chapelure et de poudre d’œuf, ainsi que d’un filet de jus de betteraves.
Sans l’ajout de ces ingrédients, le steak aurait eu une couleur grisâtre trop éloignée de l’aspect d’un véritable morceau de viande, avait-il précisé.
« Le principe est assez simple, détaillait dans Libération Yaakov Nahmias, professeur à l’université de Jérusalem, cofondateur et directeur de SuperMeat, entreprise israélienne qui développe, au stade expérimental, de la viande in vitro.
On extrait des cellules souches de poulets pour les faire se développer en dehors de l’animal », dans une boîte de Petri.
Il y a tout juste deux ans, la start-up SuperMeat a recueilli 200% des fonds espérés lors de sa campagne de financement participatif, soit plus de 200.000 dollars (180.000 euros) en deux mois.
Son credo : « Qu’y a-t-il de mieux que d’avoir de la viande en tuant des animaux ?
Avoir de la viande sans tuer d’animaux. »
Une piste séduisante face aux enjeux de demain ?
Les partisans de cette alternative font valoir qu’elle peut changer durablement le système de production de la viande en évitant d’élever et de tuer des animaux.
Pas moins de 60 milliards d’animaux ont été tués pour leur viande en 2016, selon les chiffres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
En 2050, le chiffre devrait monter à 110 milliards.
Or, la production de viande en laboratoire permettrait justement de réduire considérablement ce nombre.
Ce qui aurait l’avantage d’alléger les consciences des amateurs de bonne chère.
Appliquée à l’échelle de la planète, cette méthode serait d’autre part une solution au manque de ressources alimentaires et à la lourde empreinte carbone de l’élevage, responsable à lui seul près d’un sixième des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon un rapport des Nations Unis.
Quel goût a cette viande élevée en laboratoire ?
En mars 2017, le journaliste américain Jacob Bunge du Wall Street Journal a eu la primeur de goûter un morceau de barbaque artificielle : de la viande de poulet produite in vitro, conçue par l’entreprise Memphis Meats.
Dans son article, il livre ses impressions lors de la dégustation.
Pour résumer : la texture est « plus spongieuse qu’une poitrine de poulet », mais le goût « battrait presque celui d’une variété traditionnelle ».
Etes-vous prêts à en manger ?
Sauf qu’il reste un obstacle, et pas des moindres : a-t-on envie de manger de la viande de laboratoire ?
En 2015, Jean-François Hoquette, directeur de recherche sur les herbivores à l’Inra de Clermont-Ferrand, expliquait dans Sciences et Avenir :
« D’après des études d’acceptabilité que nous avons menées en France en partenariat avec la Belgique et l’Australie, la réaction des consommateurs vis-à-vis de ce type de produit est pour l’heure majoritairement de l’ordre de la répulsion en raison de son artificialité.
Il faudra donc probablement plusieurs générations pour que la viande artificielle s’impose réellement sur le marché ».
Ça tombe bien, la production de viande artificielle à grande échelle ne devrait pas être effective avant 10 ou 20 ans…
Source : LCI