Faut-il encore des zoos ?
Le parc zoologique de Vincennes, qui a réouvert le 12 avril, a été rénové pour tenir compte du bien-être animal.
Une tendance de fond qui n’empêche pas les critiques contre ce type d’établissements.
Une volière de près de 1 500 mètres carrés et de 11 mètres de haut, 179 espèces animales réparties dans cinq entités géographiques, plus de deux ans de travaux et un investissement de 167 millions d’euros : le parc zoologique de Paris, plus connu sous le nom de « zoo de Vincennes »,a été rennové, après cinq ans de fermeture.
Depuis le 12 avril, le public découvre ce parc de loisirs entièrement rénové.
Pensé, paysagé, végétalisé.
Un zoo du futur, enfin, proposant une rencontre avec le monde sauvage digne de son époque !
Mais déjà des voix s’élèvent et perturbent la fête.
Fallait-il rouvrir le zoo de Vincennes ?
Plus généralement : alors que la captivité des animaux sauvages fait grincer des dents de plus en plus militantes, est-il raisonnable d’ouvrir encore des zoos ?
Renoncer à ces sanctuaires du vivant qui jouent un rôle croissant dans la sauvegarde de la biodiversité ?
Absurde, répondent en chœur tous leurs directeurs.
« Pourquoi refuser à la nature une aide comme celle des parcs zoologiques ?
Nous avons des populations captives très menacées dans leur milieu d’origine.
Si on peut réintroduire leurs petits dans la nature, tant mieux.
Si ces populations peuvent faire fonction d’ambassadeurs, tant mieux.
La captivité, ce n’est pas l’idéal, mais on peut en faire quelque chose d’utile », affirme Pierre Gay, dont le Bioparc de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire) s’est lancé, il y a près de vingt ans, dans la conservation des espèces.
« La population humaine atteindra bientôt 8 milliards d’individus, la pression urbaine ne cesse d’augmenter : il est donc primordial de conserver un contact avec la nature.
Quand on sait que les parcs zoologiques tous lieux et qualités confondus accueillent chaque année plus de 600 millions de personnes, on mesure le potentiel de sensibilisation à l’environnement que cela représente », renchérit Colomba de La Panouse-Turnbull, directrice générale déléguée du parc et château de Thoiry (Yvelines).
Argument que balaye Franck Schrafstetter, président de Code animal une association militant contre la détention des animaux par les cirques et zoos , pour qui la présentation d’un animal en captivité n’offre « aucun intérêt pédagogique ».
ENTREPRISES COMMERCIALES
« Une espèce hors de son espace n’est qu’une ombre, car toute la morphologie et le comportement de l’animal sont adaptés à son milieu.
Un lion à qui on livre des kilos de viande de supermarché dans la brouette d’un zoo n’a rien à voir avec le lion à l’affût de sa proie dans la savane africaine », affirme-t-il dans l’ouvrage pour enfants qu’il a dirigé,
Un autre regard sur les zoos. Président d’honneur de la Fondation droit animal, éthique et sciences, le professeur de médecine Jean-Claude Nouët fustige, quant à lui, le rôle de « préservation » dont se prévalent nombre de zoos occidentaux.
Car la plupart, rappelle Jean-Claude Nouët, restent des entreprises commerciales avant tout, destinées « à distraire des flâneurs au prix de la captivité d’animaux et de leur mal-être ».
« Considérer que les zoos ont un rôle direct dans la préservation de la nature, c’est une imposture !
Tout au plus y participent-ils, en faisant des dons à des organismes qui mènent localement, en Afrique ou à Bornéo, des opérations de sauvetage d’espèces menacées », poursuit le professeur de médecine.
Et de dénoncer « le matraquage en boucle » auquel se livrent les responsables de ces lieux de divertissement, à l’aide d’un vocabulaire soigneusement distillé.
“ Les animaux, se moque-t-il, ne sont pas des captifs mais des “pensionnaires ambassadeurs du monde animal”, les enclos sont des secteurs de “biozones” singeant climats et continents, les pancartes sont des vitrines offertes au public pour enrichir ses connaissances scientifiques…
Mais où est la nature, là-dedans ? »
DES ZOOS MODERNISÉS
Défenseurs ou détracteurs sont pourtant unanimes : les zoos ne sont plus, mais plus du tout en général, ce qu’ils étaient autrefois.
Finies les captures dans les pays lointains et les traversées interminables, qui se soldaient par une mortalité gigantesque.
Finies, aussi, les épouvantables conditions de détention en vigueur jusqu’aux années 1940, dans le froid, l’humidité et le manque d’hygiène.
Les cages si petites que les oiseaux ne pouvaient y déployer leurs ailes, les sols de carrelage ou de béton provoquant des déformations osseuses, les enclos étroits et nus alignés côte à côte, imposant aux bêtes une incessante proximité d’odeurs et de bruits.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, partout en Europe, les zoos ont fait leur mue.
En 1959, le naturaliste britannique Gerald Durrell ouvre sur l’île de Jersey, dans la Manche, un zoo sans équivalent : lapins des volcans, hutias de la Jamaïque (des rongeurs) et autres espèces menacées y vivent dans des conditions de rêve, pensées en fonction de leurs exigences écologiques.
En 1968, à Thoiry, dans les Yvelines, le comte Paul de La Panouse fait lui aussi sa révolution : pour sauver de la ruine l’immense domaine familial (400 hectares), il y ouvre une « réserve africaine » qu’on ne visite qu’en voiture.
A Londres, Madrid, Stuttgart ou Paris, les anciens bâtiments se modernisent.
Fauves, ours, primates sont désormais logés dans des enclos de plus en plus grands, de plus en plus végétalisés.
Des fossés, puis des vitres, remplacent les barreaux, on laisse les animaux sociaux vivre en groupe, on enrichit leur environnement de jeux afin de réduire leur ennui et leurs mouvements stéréotypés.
L’ère des expositions animales s’achève, commence celle des parcs animaliers.
Mais derrière ce nouveau décor, l’objectif reste le même : acquérir et présenter des animaux à un public prêt à payer pour satisfaire sa curiosité, son goût du beau et de l’exotisme.
PROBLÉMATIQUE ÉCOLOGIQUE
Quelque chose change pourtant dans les années 1980, avec la prise de conscience, par nos sociétés, de la problématique écologique.
C’est l’époque où l’on commence à parler de la sixième extinction de masse des espèces
La première s’est produite il y a environ 500 millions d’années ; la cinquième, il y a 65 millions d’années, a vu disparaître les dinosaures ; la sixième nous menace d’ici moins d’un siècle, et son principal responsable est l’extension de notre espèce.
Pour freiner cette catastrophe, une Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites) a été signée en 1973, à Washington.
Elle a sonné le glas du prélèvement tous azimuts du vivant.
Pour peupler leurs enclos d’animaux rares, les zoos doivent désormais compter sur leurs propres ressources.
Beaucoup n’y parviendront pas.
Mais d’autres y trouvent un second souffle, et une nouvelle mission qui est aujourd’hui devenue leur principale justification : la sauvegarde des espèces menacées.
En 1982, afin d’organiser la reproduction en captivité et de réduire les risques de consanguinité, les Américains créent un logiciel permettant de gérer la génétique des populations captives.
En 1985, à leur tour, les premiers programmes d’élevage européen (EEP) sont créés : on en compte aujourd’hui 360 environ, concernant autant d’espèces en danger de disparition.
Entre les zoos qui participent à ces EEP s’organise le partage des animaux et des informations.
Les mentalités changent.
L’Association mondiale des zoos et aquariums (WAZA) édicte les règles de conduite de cette nouvelle génération de zoos, qui réunit aujourd’hui plus de 220 établissements.
Avec, parfois, des problèmes liés à la gestion des populations, comme l’a montré tout récemment l’euthanasie d’un girafon, au zoo de Copenhague
.MISSION DE CONSERVATION
Cette mission de conservation est au cœur de l’action du zoo de Mulhouse (Alsace), qui fut l’un des premiers en Europe à élever ex situ des espèces menacées.
Sur les 170 espèces qui y sont présentées, 81 sont l’objet d’un programme de conservation international.
« Lorsque nous choisissons d’héberger une espèce, la question n’est pas de savoir si elle va attirer beaucoup de monde, mais si sa sauvegarde nécessite une conservation en captivité », affirme Brice Lefaux, vétérinaire et titulaire d’un DEA d’éthologie, directeur depuis 2010 de ce très ancien parc municipal.
Lui qui, à 20 ans, détestait les zoos en est à présent convaincu : si les représentants d’une espèce menacée naissent en captivité, les parcs zoologiques doivent participer ensemble et globalement à sa reproduction.
Ce qui permettra de sensibiliser, de transmettre des savoirs, de mobiliser des financements, des politiques et des populations, afin de pouvoir un jour préserver l’aire de répartition où se trouve cette espèce ».
Bel idéal !
Loin cependant de faire l’unanimité.
Pour au moins deux raisons.
La première, c’est que ces zoos-là font figure d’exception.
Y compris dans le monde occidental, le plus avancé dans ce domaine.
En avril 2012, après une longue enquête dans 20 pays, la Born Free Foundation présentait au Parlement européen un rapport montrant qu’une majorité de zoos d’Europe manquaient à leurs obligations légales tant pour la conservation des espèces et l’éducation du public que pour le bien-être des animaux.
« Des milliers d’entre eux dans des centaines de zoos vivent dans des conditions de vie déplorables », affirme cette ONG.
RÉINTRODUCTION DANS LE MILIEU NATUREL
La seconde raison, avancée par ceux qui doutent que les parcs zoologiques jouent véritablement un rôle dans la sauvegarde des espèces menacées, est plus essentielle.
Elle tient au but ultime des programmes de reproduction, celui qui justifie les efforts techniques et financiers menés depuis trente ans par ces « zoos du futur » : la réintroduction de leurs descendants dans le milieu naturel.
L’espérance suprême.
Or, force est de constater que, sur ce terrain, les réussites se comptent sur les doigts de la main.
Il y eut celle du vautour fauve, dont les résultats en France, depuis les lâchers des années 1980, ont été remarquables.
Celles du bison d’Amérique, du bison d’Europe, du cheval de Przewalski, le dernier cheval sauvage au monde…
Et c’est à peu près tout.
Certes, de telles aventures demandent du temps, et les plus optimistes estiment que les choses sérieuses ne font que commencer.
Des projets de grande envergure, les GMSP (« Global management species plans ,
Plans de gestion globale d’espèces »), devraient ainsi être prochainement mis en œuvre, sous l’égide de l’Association mondiale des zoos et aquariums, pour plusieurs espèces de tigres gravement menacées dans leurs pays d’Asie.
« Ces programmes sont vraiment des outils d’avenir, parce qu’ils vont lier tout à la fois les populations qui se trouvent encore dans leurs forêts naturelles, celles des parcs zoologiques locaux, et celles des grands zoos internationaux », s’enthousiasme Brice Lefaux, qui rêve de voir les lémuriens de Madagascar bénéficier d’un tel plan de sauvetage.
QUELQUE CHOSE DE DÉRISOIRE
Il y a pourtant quelque chose de dérisoire, pour ne pas dire de désespérant, à consacrer tant d’efforts, de colloques et de paperasses à ces projets de conservation, quand il suffirait, pour sauver ces espèces, de savoir préserver leurs espaces naturels.
« La priorité, ce n’est pas de mettre beaucoup d’argent dans des programmes de réintroduction hypothétiques.
Ou dans un écrin, même doré, comme celui de Vincennes.
La priorité, c’est que les nations s’entendent pour prendre en charge de grandes zones africaines, sud-américaines ou asiatiques, qui soient totalement préservées de l’intrusion des hommes et du braconnage.
Au lieu de quoi on continue à déforester les zones équatoriales et tropicales ! », tempête Jean-Claude Nouët.
Convaincu que la protection de la nature par les zoos relève de l’illusion, il ne leur concède qu’une seule utilité : la pédagogie.
Et encore !
« La mise en captivité d’un animal autorise les visiteurs à croiser son regard, à percevoir son odeur, à appréhender en direct son volume : source d’éventuelles émotions, mais non d’informations scientifiques », estime ce puriste.
DEVOIR DE SENSIBILISATION
C’est pourtant là, dans cette fonction d’éducation et de sensibilisation, que se trouve peut-être la survie des zoos.
« La mission première d’un parc zoologique, ce n’est pas la reproduction des espèces en vue de leur réintroduction dans le milieu naturel.
Ce n’est pas non plus d’être une arche de Noé, mais de faire le lien entre la nature et l’Homo urbanicus », approuve Brice Lefaux, le directeur du zoo de Mulhouse.
Les zoos sauront-ils accomplir cette nouvelle mue ?
Se faire les messagers d’un discours véritablement environnemental ?
Renoncer à présenter tout ou partie du fameux « Big Five » éléphant, rhinocéros, lion, léopard et buffle
Les cinq animaux d’Afrique considérés comme les plus dangereux par les amateurs de safari au profit d’espèces moins spectaculaires, mais écologiquement plus essentielles ?
Certains ont en tout cas amorcé le virage.
Beaucoup de parcs s’investissent pour sauver les grandes espèces.
Nous le faisons aussi, mais elles n’ont pas forcément besoin de nous », constate Colomba de La Panouse-Turnbull.
Spécialisée en génétique moléculaire et en gestion des espèces menacées, la fille du créateur du parc de Thoiry n’a eu de cesse, depuis qu’elle a repris les rênes du domaine familial, d’y créer un sanctuaire pour invertébrés et amphibiens, actuellement la classe d’animaux la plus menacée d’extinction au monde.
Elle a fini par y parvenir.
Depuis 2013, l’Arche des petites bêtes, projet unique en France, propose de découvrir, dans 45 vivariums, près de 70 espèces en danger de disparition.
« Le devoir de sensibilisation, cela consiste aussi à intéresser les gens à des espèces qui, a priori, ne les intéressent pas affirme-t-elle. »
Cette approche, précise-t-elle, est déjà bien développée dans les pays du Nord.
« Au zoo d’Amsterdam, par exemple, il y a un bâtiment consacré aux invertébrés, un autre, aux amphibiens et reptiles, mais aussi une énorme serre où se fait l’élevage de papillons menacés. »
Cette nouvelle métamorphose est sans doute d’autant plus inévitable que ceux qui militent contre la détention d’animaux en cage donnent de plus en plus de la voix.
Et que leurs arguments sont solides.
De quel droit garde-t-on en captivité, toute leur vie durant, des grands singes dont on sait chaque jour un peu plus combien les capacités intellectuelles et émotionnelles sont proches des nôtres ?
Des mammifères marins dans des aquariums, fussent-ils « géants » ?
DÉMARCHE INHABITUELLE
En entrant, en avril 2013, au capital du groupe américain Seaworld Entertainment Inc., la puissante PETA (Association pour un traitement éthique des animaux) a montré sur ce plan un changement de stratégie
Après avoir maintes fois poursuivi en justice des parcs aquatiques pour maltraitance, c’est de l’intérieur qu’elle compte désormais convaincre les actionnaires d’en faire sortir orques et requins.
Cette démarche inhabituelle serait-elle un signe des temps à venir ?
Au XIXe siècle, Africains, Lapons et Indiens étaient capturés dans les colonies et vendus aux pays occidentaux, qui les exposaient derrière des grilles comme des bêtes exotiques.
« Face à la mobilisation des défenseurs des droits de l’homme, les zoos humains ont disparu peu à peu, à partir des années 1930 « , rappelle Franck Schrafstetter, le président de Code animal.
Les droits de l’animal nous interdiront un jour, peut-être, de maintenir en captivité des bêtes sauvages pour notre seul bon plaisir.
En conclusion on peut constater que si il existe effectivement des zoos modèles qui oeuvrent pour la protection d’espèces menacées , dans un environnement assez grand et confortable pour les animaux , il y en hélas que trop peu et ils sont situés essentiellement en Occident
En revanche il y a également énormement de zoos ignobles avec parfois même de la maltraitance comme ce zoo en Chine dans un hypermarché , pour certaines espèces comme le Panda , espèce menacée qui a du mal à se reproduire, une aide dans un bon environnement n’est pas forcément une mauvaise chose .
Pour les animaux issus du cirque également car hélas ils ont étés trop au contact de l’homme et seraient complétement inadaptés à un retour dans leur milieu naturel .
Il est certain que la solution idéale serait de diminuer la déforestation et la dégradation de leur milieux naturels ainsi que de mieux lutter contre le braconnage , par contre en attendant il faudrait bien sûr augmenter les parcs naturels ou de faire en sorte qu’il y ait plus de zoos ressemblant à des parcs naturels .
Il faudrait aussi un contrôle plus permanent au niveau mondial afin de pouvoir fermer les zoos honteux comme celui de Tirana en Albanie où après sa fermeture trop tardive hélas beaucoup de ces animaux qui étaient dans un état déplorable n’ont hélas pas survécus.
Source : Le Monde