C’est vrai aussi pour les lézards.

Pigeonraptor : les oiseaux sont des dinosaures

Quand j’ai promis à mon petit neveu que j’allais lui montrer un dinosaure vivant, j’ai senti comme une excitation !

Mais quand, tout fier de mon coup, je lui ai désigné un pigeon sur le trottoir, j’ai senti comme une déception…

J’ai eu beau invoquer « La Classification Phylogénétique du Vivant » de G. Lecointre & H. Le Guyader, ça n’a pas suffit à le convaincre que ça n’était pas un poisson d’avril.

Et pourtant, c’est maintenant un fait connu et reconnu, les oiseaux sont des dinosaures !

Voyons exactement ce que cela signifie et comment on en est arrivé à cette conclusion surprenante.

De l’origine des oiseaux

Pour comprendre comment sont apparus les oiseaux, il faut s’intéresser à leur classification dans l’arbre du vivant. 

Pour cela on cherche à identifier de quels autres animaux ils sont proches du point de vue de leur caractéristiques, et quelles sont leurs relations de parenté : c’est le domaine de la classification phylogénétique des espèces.

Si on s’en réfère au fait qu’ils ont le sang chaud, on pourrait penser que les oiseaux sont plus proches des mammifères que des reptiles, et donc probablement assez éloignés des dinosaures. 

Mais les premiers soupçons d’un lien entre les dinosaures et les oiseaux sont apparus dès le XIXème siècle, avec la découverte de fossiles d’archéopteryx (comme ci-contre le célèbre spécimen dit « de Berlin , qui ressemblent quand même fort à des ancêtres reptiliens de nos volatiles.

Et pourtant au début du XXème siècle, le paléontologue danois Gerhard Heilmann publie un texte influent «The origin of birds», qui semble enterrer définitivement la théorie d’une origine dinausorienne des oiseaux. 

Un de ses arguments semble convaincre ses contemporains : les mammifères et les oiseaux ont des clavicules, les dinosaures n’en ont pas, donc les oiseaux ne peuvent descendre des dinosaures.

Une nouvelle classification

La position imposée par Heilmann a tenu jusqu’aux années 60, époque à laquelle ses arguments ont commencé à se fissurer. 

Tout d’abord on s’est rendu compte que les dinosaures pouvaient avoir une clavicule, on n’en avait juste pas encore trouvé !

 Et puis un certain nombre d’autres caractères morphologiques partagés par les dinosaures et les oiseaux ont été identifiés, poussant de plus en plus à réviser la classification du vivant avec cette conclusion étonnante :

Les oiseaux actuels sont des descendants des dinosaures.

Aujourd’hui, la classification de la partie du vivant qui nous intéresse peut se schématiser de cette façon. 

On y voit que la catégories dite des « dinosaures » se divise en deux : les dinosaures « non-aviaires » (les vrais dinos que mon petit neveu aime) et les dinosaures « aviaires », c’est-à-dire les oiseaux.

Cet arbre peut paraître un artifice de classification, et pourtant il signifie quelques chose de fondamental : les oiseaux sont apparus comme descendants d’une forme de dinosaures, probablement un petit dinosaure carnivore qui aurait également donné naissance à l’archéoptéryx.

Pour vraiment réaliser la relation de parenté que les oiseaux entretiennent avec les différents animaux de Jurassic Park, regardez l’arbre ci-dessous (photo en bas de l’article), qui montre une classification des espèces de dinosaures, oiseaux inclus :

La révolution chinoise

Au début des années 90, une découverte inattendue est venue corroborer de manière spectaculaire la thèse de l’origine des oiseaux : on a retrouvé des plumes sur des dinosaures !

L’histoire a débuté en Chine, dans la région du Lianing, qui s’est révélé un site exceptionnel pour la préservation de fossiles de dinosaures, permettant une reconstruction avec un niveau de détail jamais atteint. 

On y voit un fossile du Microrator Gui, un petit dinosaure découvert en 2001, et dont on distingue nettement les plumes fossilisées.

On pense aujourd’hui que ces plumes avaient au départ une fonction purement ornementale, et que progressivement elles ont servi aux premiers dino-oiseaux à planer, puis à voler.

La reconstruction ci-contre  montre une vue de ce qu’était peut être le Microraptor, une sorte de dino-oiseau possédant 4 ailes, qui lui permettaient vraisemblablement de planer depuis les arbres.

Précisons toutefois que si l’origine dinosaurienne des oiseaux est maintenant bien établie, la question de l’origine du vol est encore loin d’être élucidée.

Des preuves supplémentaires grâce aux tissus mous

En 2005, une nouvelle découverte est venue encore enfoncer le clou : on a pu collecter et analyser des tissus mous de dinosaures. 

Comprenez qu’il s’agit de quelque chose d’extraordinaire, car habituellement quand on trouve un fossile datant de plus d’un million d’années, tous les tissus organiques ont disparu, ne nous laissant au mieux que des os à contempler. 

Mais en 2005, Marie Schweitzer et son équipe ont réussi l’exploit de collecter, d’isoler puis d’analyser du collagène d’un Tyranosaurus Rex, pourtant mort il y a plus de 65 millions d’années !

Le collagène est une des principales familles de protéines, et on le trouve sous forme de fibres dans les tissus conjonctifs. 

L’analyse de la composition de celui du T. Rex a permis d’obtenir des informations inédites sur l’évolution relative des dinosaures et des oiseaux. 

Marie Schweitzer et ses collaborateurs ont ainsi mis en évidence qu’au niveau moléculaire, le collagène de dinosaure est plus proche de celui des oiseaux que de celui des crocodiles, confirmant une nouvelle fois la classification maintenant admise.

Alors collecter du collagène, c’est bien, mais est-ce qu’on ne pourrait pas carrément collecter de l’ADN de dinosaure, pour faire comme dans Jurassic Park ? 

Eh bien non, malheureusement.

Il semble que l’ADN soit bien trop fragile pour avoir la moindre chance d’arriver jusqu’à nous.

Mais le paléontologiste Jack Horner a proposé une alternative…

Quand les poules avaient des dents

L’idée de Jack Horner se base sur le phénomène d’atavisme.

Ce terme désigne le fait que chez une espèce se retrouvent certaines caractéristiques morphologiques de ses ancêtres, mais que ces caractéristiques sont normalement inhibées au cours du développement embryonnaire. 

C’est le cas par exemple du foetus humain qui présente une queue à un certain stade de son évolution , mais qui la perd rapidement.

Pour les oiseaux, c’est pareil : ils possèdent une queue dinosaurienne au cours de leur développement embryonnaire, mais celle-ci est inhibée avant leur naissance. 

Pour Jack Horner, cela montre que l’ADN des oiseaux contient une partie du plan de montage des dinosaures, et que si on arrive à activer les bons gènes, on doit pouvoir fabriquer un dino à partir d’un poulet !

En poursuivant cette idée, le généticien Matthew Harris et son équipe ont pu faire en 2006 une démonstration étonnante: faire pousser des dents à une poule ! 

En effet les dinosaures avaient des dents, et si les oiseaux n’en ont plus, c’est que ce caractère est inhibé lors de leur développement embryonnaire. 

Ce qu’a fait Harris, c’est de supprimer cette inhibition, et donc de réactiver la pousse des dents chez une poule ! 

Peu de chances que les embryons survivent pas vraiment à la manipulation génétique cependant.

Peut être un jour pourrons nous réaliser le programme de Jack Horner, et reconstituer au moins un Microraptor à partir d’un poulet. 

Dans ce cas , il ne faudra  plus jamais dire « quand les poules auront des dents

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