Etats-Unis : -55 °C, 150.000 foyers privés d’électricité…
Tout savoir sur la « bombe cyclonique » qui congèle le pays
A l’aube vendredi, « plus de 240 millions de personnes aux Etats-Unis (soit plus de 70 % de la population) étaient concernées par des alertes » météos hivernales
- Depuis jeudi, une tempête de froid glaciale, accompagnée de forts vents, de neige et de blizzard paralyse la partie nord des Etats-Unis.
- Ce lundi matin, les autorités des différents Etats recensaient au total 47 décès dans neuf Etats.
- Plus de 300.000 foyers américains et canadiens ont été privés d’électricité.
« J’ai connu toutes les grandes tempêtes hivernales des 60 dernières années. […]
Celle-ci est la pire », a lancé ce dimanche Kathy Hochul, la gouverneure de l’Etat de New York.
Depuis quelques jours, les Etats-Unis sont frappés par une tempête de froid polaire, notamment au Nord, dans la région des Grands lacs.
Des vents très forts, du blizzard et des chutes de neige ont fait baisser le mercure en plaine à jusqu’à -31 °C, voire -55 °C en températures ressenties.
Jusqu’ici, plus d’une trentaine de décès ont été confirmés dans neuf Etats. a privé en électricité plus de 300.000 foyers .
Quand a commencé cette méga tempête ?
Jeudi, les premiers effets d’une tempête comme on n’en voit « qu’une fois par génération » se sont fait ressentir dans une grande partie des Etats-Unis.
Face à l’envie de millions d’Américains de rejoindre leurs familles pour les fêtes de fin d’année, les autorités ont appelé au calme et à rester chez soi.
« S’il vous plaît, prenez cette tempête extrêmement au sérieux, a exhorté jeudi le président Joe Biden.
J’encourage tout le monde (…) à écouter les mises en garde au niveau local. »
A l’aube vendredi, plus de 240 millions de personnes (soit plus de 70 % de la population du pays) étaient concernées par des alertes météos hivernales.
Depuis, plusieurs Etats du Nord ont déclaré l’état d’urgence, comme New York, l’Oklahoma, le Kentucky, la Géorgie et la Caroline du Nord. Les Américains grelottent jusqu’au Texas, dans le Sud.
Jeudi, les routes étaient déjà recouvertes de neige et de nombreux accidents ont été signalés par les médias.
Selon les autorités, neige et vents ont provoqué des blizzards à certains endroits, rendant les déplacements « dangereux voire parfois impossibles ».
L’I-90, une autoroute majeure traversant le nord des Etats-Unis, a été fermée dans l’Etat du Dakota du Sud, les autorités ayant prévenu que l’axe routier ne rouvrirait pas avant vendredi.
Quels sont les bilans humain et matériel ?
Lundi, les autorités des différents Etats recensaient au total 47 décès dans neuf Etats, dont 25 dans le comté d’Erie, situé dans l’Etat de New York et qui comprend la ville de Buffalo, où les amas de neige accumulée ont atteint jusqu’à trois mètres de haut par endroits.
Certaines victimes ont été retrouvées dans des voitures et d’autres dans la rue au milieu de la neige.
« Ce n’est pas le Noël qu’on voulait », a déclaré ce dimanche Mark Poloncarz, responsable pour le comté d’Erie, qui craint que d’autres morts ne soient bientôt comptabilisés dans sa localité.
« Il y a des personnes coincées dans leur voiture depuis plus de deux jours et d’autres dans des maisons où les températures sont frigorifiques », a averti le responsable.
Une interdiction de se déplacer avait été prononcée dans cette région vendredi mais des centaines de personnes se sont malgré tout retrouvées bloquées dans leur véhicule.
Les secours sont allés dimanche de voiture en voiture pour voir « s’ils trouvaient des corps », a décrit Mark Poloncarz sur CNN.
Côté matériel, les conditions météorologiques extrêmes ont privé plus de 48.000 foyers d’électricité dimanche sur la côte Est, où les intempéries avaient initialement privé d’électricité quelque 150.000 foyers américains, selon le site Poweroutage.us.
Côté canadien, plus de 150.000 personnes n’avaient toujours pas de courant pour Noël, notamment en Ontario et au Québec.
Dans les airs, ce froid polaire empêche tout avion de décoller ou d’atterrir.
Plus de 3.000 vols ont été annulés dimanche, s’ajoutant à environ 3.500 autres annulés samedi et 6.000 autres vendredi, selon le site de suivi Flightaware.com.
A Houston (Texas), sous le Waugh bridge, l’un des ponts abritant l’une des plus grandes colonies de la ville, des centaines de chauves-souris ont été retrouvées au sol, gelées.
Ce n’est pas la première fois que cette colonie subit les conséquences d’événements climatiques.
Forte de 30.000 spécimens il y a quelques années, elle a déjà été décimée par l’ouragan Harvey en 2017 puis par une vague de froid en février 2021, rappelle le Huffington Post.
Mais, au fait, c’est quoi une « bombe cyclonique » ?
Selon les météorologues, une « bombe cyclonique » serait à l’origine de cette vague de froid extrême.
Depuis le début de cet épisode que Cyrille Duchesne, météorologue à la Chaine Météo, qualifie « d’historique » plusieurs records de froid ont ainsi été battus : -53 °C dans l’ouest du Canada, – 38 °C dans le Minnesota, mais aussi, plus au Sud, là où les températures sont habituellement plus douces à cette époque de l’année, -13 °C à Dallas ou – 8 °C à Houston.
Les causes sont pourtant assez classiques d’après les experts météo, à savoir un système dépressionnaire, causé par un puissant conflit entre deux masses d’air : une très froide en provenance de l’Arctique et l’autre tropicale venu du Golfe du Mexique.
Une dépression est un système de basse pression atmosphérique, souvent synonyme de mauvais temps : sa dynamique entraîne des courants ascendants qui provoquent des nuages et des précipitations.
Ce qui rend le cas actuel extraordinaire est que la pression atmosphérique a cette fois chuté très vite.
C’est ce qu’on appelle une « genèse explosive » (ou « bombe cyclonique »).
Cela apparaît lorsque la pression baisse de plus de 20 hectopascals (hPa) en vingt-quatre heures aux moyennes latitudes.
Dans le cas des Etats-Unis, la pression atmosphérique est brutalement descendue de 40 hPa en vingt-quatre heures, selon Yann Amice, météorologue chez Weather’n’co.
C’est le même phénomène qui avait été à l’origine, en France, de la tempête de 1999 restée dans les mémoires, ou de Xynthia, en 2010.
« Cela a entraîné la formation de conditions de tempête extrême à proximité du cœur de la dépression, avec des conditions particulièrement rudes », marquées notamment par des vents allant jusqu’à 80 km/h, du blizzard et des chutes de neige, indique Cyrille Duchesne.
Pour ce dernier, la rareté de cette tempête ne vient pas tant de ses causes une « bombe dépressionnaire, ça arrive régulièrement » mais bien de son intensité et du niveau de températures extrêmement bas :
« C’est ça qui fait que c’est exceptionnel ».
A quoi cela est-il dû ?
Tout simplement au fait que la tempête entraîne une plongée du vortex polaire, c’est-à-dire une masse d’air particulièrement froid venue de l’Arctique, vers les latitudes tempérées, porté par l’ondulation du jet-stream (courant d’altitude) et favorisé par des conditions anticycloniques sur le Pacifique.
Résultat : des chutes de températures parfois vertigineuses ont été constatées, comme à Denver où le thermomètre a perdu jeudi 33 degrés en à peine sept heures, enregistrant avec -31 degrés sa température la plus basse depuis 1990.
Combinés au blizzard et à la neige, les ressentis en plaine peuvent parfois atteindre les -55 degrés.
Jusqu’à quand cet épisode va durer ?
Ce week-end, la dépression, située au niveau des Grandes Plaines et des Grands Lacs avant le week-end de Noël, s’est déplacée vers le Québec au courant du week-end.
Lundi matin, dans son bulletin, le National Weather Service (NWS) a indiqué qu’« une grande partie de l’est des Etats-Unis resterait soumise à un froid intense jusqu’à ce lundi, avant des tendances plus modérées mardi » et parle même d’un retour « aux normales saisonnières d’ici le milieu de semaine prochaine ».
En attendant, les autorités américaines invitent les habitants des Etats du Nord a toujours ne pas se déplacer pour éviter des accidents en raison de l’épaisseur de la neige toujours très importante sur une bonne partie du territoire.
« Un froid de cette ampleur pourrait provoquer en quelques minutes des engelures sur la peau exposée, ainsi que de l’hypothermie et la mort si l’exposition est prolongée », a de son côté alerté le National Weather Service américain.
Et cela rend tout déplacement « dangereux voire parfois impossible ».