Le silence des arènes se fait assourdissant pour le monde taurin.
Déjà en proie à une crise économique déjà présente depuis de nombreuses années, le secteur de la tauromachie est exsangue face au tsunami d’annulations en série liées aux mesures de confinement nécessaires pour endiguer la propagation du Covid-19 qui pourrait porter l’ultime estocade à la corrida.
Face à la saison blanche, les taurins demandent des aides…
« Le coronavirus s’apprête à nous enquiquiner sévèrement ».
Le cri d’alerte, signé dans les colonnes du site pro-corrida Objectif Gard, démontre l’angoisse du monde taurin.
Et pour cause, ce sont des dizaines et des dizaines de corridas ou novilladas (pour les jeunes taureaux) qui ont été annulées de mars à septembre en raison de la crise sanitaire mondiale.
Tel un symbole, les ferias de Nîmes (30) et Béziers (34) ont été déprogrammées.
« C’est la mort dans l’âme que j’annule la féria de Béziers.
C’est la première fois qu’elle n’aura pas lieu depuis 52 ans », se lamente Robert Ménard, le maire (RN) de Béziers.
Autre effet collatéral : les écoles de tauromachie sont fermées.
« L’espoir d’avoir des corridas en septembre, on le partage, lâche le sulfureux organisateur Simon Casas sur Midi Libre.Mais bon… Aujourd’hui, il serait inconséquent d’affirmer que l’on va pouvoir en organiser une.
Aucune donnée objective, ni aucune réalité par rapport à la situation sanitaire ne permet actuellement de l’affirmer. »
Ces demandes de compensations sont totalement surréalistes.
Comme attendu, des organisations taurines ont d’ores et déjà sollicité le ministre de l’Agriculture (et amateur revendiqué de corrida), Didier Guillaume, ainsi que les Régions, pour des compensations.
Des aides qui apparaîtraient surréalistes alors que le pays doit revoir ses priorités sanitaires et économiques.
L’Union des Villes Taurines Françaises (UVTF) et l’Observatoire National des Cultures Taurines (ONCT) ont par exemple quémandé une TVA à taux 0, des aides directes des Régions, voire une modification de la destination des fonds de la Politique agricole commune (PAC).
« Ces demandes sont totalement surréalistes, réagit Roger Lahana de No Corrida, partenaire de la Fondation 30 Millions d’Amis.
Je n’imagine pas une seconde qu’elles soient acceptées.
l y a tellement de secteurs en France qu’il faut urgement redresser, je ne vois pas ce que la corrida viendrait faire là !
» Pour les aides aux régions, les taurins ont d’ailleurs reçu un coup dur en Occitanie où la présidente Carole Delga, qui prend le contre-pied de ses précédentes décisions en faveur de la pratique, n’a compensé que les manades camarguaises.
« Même si elle a souvent soutenu la corrida, il semblerait qu’elle ait un peu évolué sur le sujet, note Thierry Hély, président de la FLAC, partenaire de la Fondation 30 Millions d’Amis.
Le fait que le groupe Europe Écologie-Les Verts (EELV) au Conseil régional d’Occitanie soit officiellement opposé aux subventions accordées aux corridas est aussi très déterminant.
La corrida étant déjà particulièrement affectée économiquement en France, cette décision du Conseil régional n’arrangera pas les choses…
Dans l’absolu, quoi de plus normal à notre époque ?
Comment peut-on encore financer avec l’argent public le supplice cruel d’animaux juste pour le plaisir ? »
Des taureaux déjà condamnés…
Si le sang des taureaux ne peut être versé dans l’arène, de nombreux animaux devenus « inutiles » pour certains éleveurs taurins, sont envoyés directement à l’abattoir, comme dans les Landes.
D’après un article de France Bleu « 12.000 taureaux pourraient être abattus dans les semaines qui viennent.
Le président de la principale organisation de gañaderos (les éleveurs, NDLR) Carlos Nuñez, estime lui que 30% des toros qui devaient être combattus d’ici la fin juin auront dépassé l’âge légal et devront être éliminés.
Toutefois, il est important à rappeler que le destin de ces pauvres animaux est scellé quelque soit le contexte sanitaire.
« Le but de chaque élevage de ce type, c’est la mort du taureau, souligne Roger Lahana.
S’ils ne vont pas [mourir] dans les arènes, ce qui est le cas pour la grande majorité d’entre eux, ils vont à l’abattoir. »
En Espagne « des conséquences économiques dévastatrices pour le secteur taurin
Certaines exploitations ne survivront pas tant l’impact économique sera considérable.
En Espagne, le gouffre financier de la corrida aurait dépassé les 200 millions d’euros de pertes et risque d’atteindre des sommets !
720 millions d’euros de pertes sont annoncées par les taurins.
Il faut dire que « plus de 200 corridas ont été annulées en raison du virus sur les mois de mars, avril et mai », rapporte El Mundo.
« Les conséquences économiques seront dévastatrices pour le secteur taurin, analyse pour 30millionsdamis.fr Aida Gascón, présidente de l’association de protection animale Anima Naturalis.
Certaines exploitations ne survivront pas tant l’impact économique sera considérable.
Les toreros ne savent pas quand ils pourront retourner dans les arènes.
Même si l’état d’urgence est levé, il sera risqué pour les entrepreneurs d’organiser des corridas dans des lieux à moitié vide.
Avant ses confrères français, le lobby taurin espagnol a, lui aussi, sollicité le ministère de la Culture pour de futures aides pour enrayer le désastre financier alors même que le pays est l’un des plus touchés.
« L’argent public ne doit pas être utilisé pour promouvoir la maltraitance animale, encore moins dans les mois à venir où tous les efforts seront nécessaires pour soutenir le secteur de la santé et atténuer les effets économiques sur les familles, soutient Aida Gascón.
Il est dommage que le secteur taurin demande des aides, malgré le grand rejet qu’il engendre dans la majorité de la société.
Le gouvernement, formé par les socialistes et Podemos, a une occasion en or pour justifier la fin de l’aide à la corrida.
De moins en moins de spectacles tauromachiques sont organisés en Espagne.
La crise du Covid-19 promet d’accélérer la chute.
Le gouvernement espagnol ne mentionne pas l’aide à la corrida
Et, pour le moment, il s’y tient !
Aucune mention à la tauromachie n’a été évoquée par le Conseil des ministres qui s’est tenu outre-Pyrénées, le 5 mai 2020.
Un énorme coup de massue pour les taurins !
Une lettre signée par 500 associations avait été envoyée au Premier ministre Pedro Sánchez et son vice-Premier ministre, Pablo Iglesias, pour demander à ce que les « aides destinées à relancer l’activité économique de l’Espagne ne soient pas allouées à la corrida. » (03/05/2020)
Dans le cadre de son processus de déconfinement, actuellement en place, les corridas qui pourraient être autorisées à partir du 10 juin 2020 ne « devront pas compter plus de 400 spectateurs dans un lieu ouvert » et « une surface de 9 mètres carrés par personne devra être strictement respectée », décrit le journal ABC (30/04/2020).
« C’est épouvantable, s’écrie l’éleveur de 2ème génération de taureaux de combat Victorino Martín au Guardian.
Le coronavirus est arrivé au pire moment possible ».
Et pour cause, la pratique perdait déjà sa légitimité outre-Pyrénées.
En 2018, 1521 événements tauromachiques étaient organisés contre 3651 dix ans plus tôt, soit une chute de près de 60%.
Mexique, Colombie, Pérou… Effet domino en Amérique latine ?
Au Portugal, la corrida ne cesse aussi de perdre du poids année après année.
Selon les données collectées par l’inspection générale des activités culturelles (IGAC), près de 380 000 personnes ont assisté aux 174 corridas du pays en 2018, soit une chute de 42% par rapport à 2009.
Nul doute que sa chute va s’accélérer avec la crise sanitaire. « Les taurins se plaignent, ils sont préoccupés car ils se sentent marginalisés par le gouvernement qui, pour le moment, les ignore, explique pour 30millionsdamis.fr,
Rita Silva, présidente de l’ONG portugaise « Animal » et l’une des fondatrice du réseau international anti-corrida.
Ils font pression pour revenir.
Il est trop tôt pour parler des conséquences mais c’est clairement un coup dur, un gros coup dur pour eux ! Toutefois, rien n’est gagné. Il faut continuer à se battre. »
En Amérique latine, la saison de corrida arrivant déjà à son terme au début de la crise sanitaire, le lobby taurin a été moins impacté qu’en Europe.
Les difficultés ne s’évaporent pas pour autant et la reprise risque d’être compliquée.
Le président colombien Iván Duque a affirmé que les événement massifs devraient être interdits pendant 18 mois.
Le Pérou pourrait prendre le même chemin.
Au Mexique, la corrida est aux abois avec des pertes liées au coronavirus estimées à 125 millions de dollars.
Au Venezuela, la tauromachie ne tient plus qu’à un fil, le pays ne comptant plus qu’une corrida annuelle à Maracaibo.
« Quand les élus locaux auront fait le calcul… »
Déjà à l’agonie, la corrida est-elle en train de subir l’estocade finale ?
S’il serait présomptueux de faire la moindre prévision, tous les indices semblent toutefois aller à l’encontre de cette tradition sanglante.
« Il est déjà établi que l’opinion publique, tant en France qu’en Espagne, désapprouve la corrida, observe pour 30millionsdamis.fr Éric Baratay, historien et spécialiste de la relation homme-animal.
Nous remarquons même une baisse de soutien, du moins en apparence, au niveau de certains politiques à l’échelle nationale.
Depuis une vingtaine d’années, en France le secteur connaît un fort repli.
La corrida s’est cachée derrière la tradition, une vision adoptée par les extrêmes, qui ne fonctionne plus aujourd’hui.
Si les choses doivent changer dans un proche avenir, ce sera parce que les finances ne le permettront plus.
En France, la corrida est tenue à bout de bras par les élus locaux.
Quand ces derniers auront fait le calcul, on pourra parler de fin. »
La Fondation 30 Millions d’Amis se bat depuis plusieurs années aux côtés de No Corrida et de la FLAC pour mettre un terme à cette atrocité.
Alors que 75% de nos concitoyens se prononcent pour l’interdiction des corridas en France (Baromètre 2020 Fondation 30 Millions d’Amis/IFOP), la pétition de la Fondation 30 Millions d’Amis pour mettre fin à la corrida a déjà recueilli plus de 400 000 signatures.
Il est urgent, dans ce contexte où nécessité fera forcément loi, que le gouvernement prennent toutes les mesures qui s’imposent pour assurer cette inévitable transition.
Même si hélas une génération de taureaux semble sacrifiée , ce qui est triste, cependant si demain la corrida s’arrête de part et d’autre , il n’y aura plus à l’avenir d’élevages pour des futurs taureaux sacrifiés.