On devine qu’au Sahara la vie végétale et animale est réduite au minimum.
Elle est tout de même un peu plus intense qu’on ne l’imagine ordinairement, et c’est donner du Sahara une image inexacte qu’opposer simplement désert et oasis.
Il y a, certes, au Sahara, des étendues d’où la vie est tout à fait absente, des « déserts dans le désert », des « déserts maximum », comme dit E. F. Gautier, et dont le Tanezrouft, dans le Sahara algérien, fournit un excellent exemple.
En revanche, l’oasis, dont le charme agit surtout par contraste et qui n’est pas toujours un pur coin de Paradis, surgit en effet aux endroits où la nappe d’eau souterraine réapparaît d’elle-même et peut être utilisée sans trop de peine.
C’est alors, à l’ombre des palmiers-dattiers dont les têtes se rejoignent et forment comme un lac de verdure, un assemblage savant de jardins, de champs de céréales et de vergers.
L’eau y constitue le capital par excellence.
Mais l’oasis est plus ou moins grande, plus ou moins pourvue d’eau, et d’eau plus ou moins utilisable; il en est de fort misérables, et il en est une qui forme, depuis l’aube des temps, un pays illustre, l’Égypte.
Ce qu’il faut surtout retenir, c’est qu’entre le désert et l’oasis apparaît assez fréquemment un type intermédiaire, la steppe.
Steppe à peu près permanente, quand elle doit son existence à la présence d’une nappe souterraine; steppe fort intermittente, quand elle dépend des pluies d’orage; région de floraison soudaine, peuplée de plantes xérophytes : graminées courtes, touffes de drinn, buissons épineux de retem et d’acacia gommier, que le retour de la sécheresse semble plonger dans le néant, mais qui sont douées d’une étonnante vitalité et qui parviennent à sauver, à travers les longues épreuves de sécheresse, leurs racines ou leurs graines.
La vie animale, comme la vie végétale, réussit à se maintenir dans un milieu qui ne s’y prête guère; mais, comme les plantes, les animaux sont absents des régions absolument désertiques tout au plus s’y réfugient-ils quand ils sont poursuivis.
Ils remédient à la rareté de l’eau et à la pénurie d’aliments qui en résulte soit par une grande mobilité (lièvre, gazelle, etc.), soit par des réserves analogues à celles des plantes (bosse du chameau, intestin de l’antilope adax), soit par de longs engourdissements dans le sol (lézards, serpents), dans tous les cas, par une exceptionnelle résistance.
La flore
Végétation des montagnes, des hammada, des dunes et des vallées.
Le Sahara est loin d’être dépourvu de végétation : entre les pics dénudés des montagnes du centre se rencontrent encore des vallées fertiles, arrosées par des sources vives et ombragées; on y distingue l’Acacia arabica, le Thuya articulata, le mimosa, le figuier, etc.
Les hamadas même, ces plaines brûlées et stériles, se couvrent parfois, dans leurs parties déprimées et usées, d’une végétation herbacée assez abondante pour servir de champs de pâturage aux herbivores sauvages de la contrée; même dans les endroits pierreux, pourvu que les vents y aient laissé tomber un peu de sable et d’humus, la coloquinte trouve le moyen de nourrir ses fruits amers.
Dans les oueds (ravins ou vallons creusés par l’action des eaux pluviales) croissent, en outre, des plantes ligneuses pauvres, il est vrai, et peu variées, mais formant parfois des bosquets assez épais pour donner une ombre suffisante au voyageur.
La végétation des plaines unies, là où le sable recouvre un fond humide, est autrement active et abondante
Sous l’action des pluies, ces plaines se transforment en verdoyantes prairies; quelques-unes nourrissent une abondante végétation poussant par touffes épaisses autour desquelles le sable s’amasse en forme de mamelons;
Des végétaux arborescents s’y couvrent au printemps de fleurs éclatantes et parfumées; des tamarix aux fleurs rouge sang, couronnant des monticules de sable et d’humus, font ressembler, de loin, les parties les plus humides de ces plaines à d’épaisses forêts.
Non moins fertile est la région des grandes dunes : les oughroud les plus élevés sont traversés de la base au sommet par les végétaux autour desquels se sont arrêtés les premiers grains de sable qui leur ont servi de base; la croissance de ces végétaux a été en rapport avec celle des dunes elles-mêmes
Ils ont pris de nouvelles racines à mesure que les sables s’amoncellaient autour de leurs tiges.
On aperçoit maintenant leurs têtes feuillues, d’un beau vert sombre, formant de loin en loin des bosquets ombreux sur les dunes les plus élevées.
Quant aux espaces qui sont couverts d’une épaisse végétation avec des arbustes gonflés de sucs et très aimés des chameaux, alternant avec de grandes graminées dont les touffes croissent épaisses et serrées comme celles du blé dans les champs cultivés d’Europe.
Toutes les vallées sahariennes sont plus ou moins boisées; quelques-unes disparaissent littéralement sous des flots de broussailles à travers lesquelles il est impossible de se frayer un chemin; de loin en loin des acacias, des palmiers sauvages, restes d’anciennes cultures, dominent le flot broussailleux.
Les oasis.
Mais c’est sur les petites de ces vallées, là où les eaux souterraines coulant à de faibles profondeurs sous le sol spongieux peuvent être facilement captées, que se rencontrent aussi ces oasis tant poétisés et après lesquelles soupire toujours, il est vrai, le voyageur altéré et fatigué.
Elles sont, le plus souvent, groupées en archipel.
Elles se succèdent le long des vallées comme de larges bordures d’un vert sombre, çà et là interrompues par des espaces incultes; autour des anciens lacs elles forment des ceintures d’émeraude au milieu desquelles brillent d’un vif éclat les couches de sel formées par l’évaporation des eaux pluviales descendues des plateaux environnants.
Dans ces oasis, se cachent parfois de populeuses cités, centres agricoles, entrepôts de commerce et ports de relâche des caravanes.
Les cités sahariennes s’élèvent en général sur des éminences rocheuses qui dominent les cultures; ils sont toujours entourés de murailles et de fossés.
Palmiers-dattiers dans une oasis du Sud algérien.
Dans les oasis, le palmier-dattier est l’arbre par excellence; si l’eau est rare, toutes les autres cultures lui sont sacrifiées.
Son fruit savoureux est la nourriture préférée et presque exclusive de ceux qui le cultivent; les nomades s’en régalent dans leurs déserts.
A côté du palmier croissent, suivant les lieux et l’abondance des eaux d’irrigation, le figuier, le grenadier, l’amandier, l’abricotier, le jujubier, la vigne, le bananier, l’oranger, le citronnier, etc.; le cotonnier y donne des produits supérieurs; l’orge, la luzerne, le maïs, les haricots, la millet, le tabac, diverses espèces de choux, le navet, la carotte, l’oignon, la fève, le piment, le melon, la pastèque, se rencontrent partout où la moindre parcelle du sol saharien est fécondée par le travail de l’humain.
La Faune
La faune saharienne est assez variée.
Disons d’abord que le lion du désert, comme le palmier de la montagne, n’a jamais existé que dans l’imagination des poètes; la hyène, le chacal et le sanglier ne se rencontrent que dans les parties montagneuses sillonnées de cours d’eau permanents, et, par conséquent, habitées.
L’antilope oryx (petit boeuf à bosse) et la timide gazelle paissent, par nombreux troupeaux dans les steppes herbeuses du Sahara, mais surtout dans la région des grandes dunes à cause de la sécurité qu’elles y trouvent; ces animaux étanchent leur soif en mangeant les feuilles gonflées de suc de certains arbrisseaux.
L’antilope le mouflon à manchettes et l’onagre, s’éloignent rarement des sites élevés.
L’avide fennec , le chat sauvage, le lièvre, la gerboise, et plusieurs espèces de rats presque tous de couleur fauve, pullulent dans les parties où la végétation est abondante.
–Les reptiles y sont des plus dangereux : la vipère céraste se rencontre partout; la vipère se tient dans les endroits cachés , le python préfère les bords érodés de vallées où il se cache entre les blocs de grès.
Nous citerons, parmi les lézards : l’ourenn (varanus arenarius), long parfois d’un mètre, et le dheb (Uromastix ou Fouette-queue), gros, court et trapu, qui se rencontrant en peu partout, mais plus particulièrement, avec le Gecko, dans les endroits pierreux; le poisson des sables , ne se tient que dans les dunes; le caméléon habite les oasis.
Le scorpion, partout commun, préfère les lieux pierreux et humides; l’espèce la plus dangereuse (Scorpio tunetatus) se trouve plus communément dans les oasis.
Sa piqûre est quelquefois mortelle.
Les insectes pullulent dans le Sahara; les mouches et les moustiques sont, en été, le fléau des oasis.
Parmi les oiseaux, nous citerons : l’autruche, passant par troupeaux dans les plaines basses que des pluies récentes ont fait reverdir; le corbeau et le faucon mangeur de sauterelles) qui planent dans les airs à la recherche de leur proie; le hibou, qui se nourrit de rats; la pie-grièche, qui empale les lézards au bout des branches sèches des arbrisseaux et s’élance ensuite dans les airs en poussant des cris stridents; le Malurus Saharae, qui fréquente les parties broussailleuses du Sahara, et d’autres espèces, parmi lesquelles quelques-unes, particulières aux oasis, ont le plumage d’un beau vert, tandis que d’autres, ont la couleur fauve des sables.
Parmi les animaux domestiques, le chameau dromadaire vient en première ligne; il en existe deux variétés : le bahir ou chameau porteur, dont le nom signifie vaisseau, et le mahari ou méhari (l’agile) qui est le chameau de course.
La force, la patience et la sobriété du chameau sont proverbiales; on peut voir des chameaux chargés de 150 kilos, marcher au printemps, par des températures moyennes de + 25 °C à 30° C., dix, onze et quatorze jours sans boire; quant à leur nourriture, elle consistait en quelques touffes d’herbe qu’ils saisis aient au passage
En été, le chameau porteur ne peut marcher que trois ou quatre jours sans boire, selon la température.
Le mahari peut fournir au besoin des courses journalières de 200 km; mais sa marche moyenne est de 100 km; il demande plus de soins que le bahir et résiste moins longtemps à la soif.
Les chèvres et les brebis sont aussi une source de richesses pour les nomades; mais les chevaux sont aujourd’hui très rares chez eux à cause des soins spéciaux qu’ils exigent; cependant,
Nous pouvons voir que ces animaux peuvent rester trois jours sans boire en hiver, et ne pas paraître souffrir.
Quelques tribus berbères des régions montagneuses en possèdent un grand nombre.
L’âne est commun dans les oasis; le boeuf domestique, comme le cheval, n’existe que dans les contrées montagneuses et arrosées.
Plus le chat du désert évoluant dans la fournaise du Sahara, le chat des sables est l’un des plus petits félins du monde, l’un des plus méconnus, et le mieux adapté aux milieux désertiques.