Beaucoup de glaciers ont d’ores et déjà disparus.

Si rien n’est fait pour lutter contre le réchauffement climatique, la fonte de ces neiges pourrait bien être irrémédiable.

Le glacier des Deux-Alpes par exemple  est à nu. 

Pour la première fois depuis quarante ans, le domaine skiable isérois n’a pas été ouvert pour les vacances de la Toussaint. 

En cause : l’absence de neige en haut des pistes. 

Une des nombreuses conséquences du réchauffement climatique contre lequel le « One planet summit », organisé à Paris mardi 12 décembre, compte mobiliser les acteurs de la finance internationale, deux ans après la signature de l’accord de Paris. 

Le glacier pourrait enregistrer une fonte record cette année. « 2017 est une année très particulière, souligne Delphine Six, glaciologue à l’Institut des géosciences de l’environnement, dans les colonnes de 20 Minutes. 

Il s’agit d’une année catastrophique qui s’inscrit dans une lignée catastrophique. » Et ce phénomène affecte l’ensemble du massif alpin.

« Un glacier repose sur un équilibre entre deux phénomènes : l’accumulation de neige au sommet et la fonte de la glace en bas, explique à franceinfo Christian Vincent, ingénieur au CNRS. 

Lorsque l’accumulation est plus importante, le glacier grandit. 

Lorsque la fonte l’emporte, il diminue.

Nous sommes depuis trente ans dans une phase où la fonte l’emporte clairement. »

Certains glaciers « auront disparu d’ici 2100

Entre 2003 et 2015, les glaciers alpins ont ainsi perdu 25% de leur superficie, révèle le laboratoire de Glaciologie et géophysique de l’environnement (LGGE) de Grenoble. 

Les scientifiques ont étudié six sites, en France, en Autriche et en Suisse. 

En exploitant des données plus précises que celles jusqu’ici utilisées, ils ont découvert que les glaciers alpins perdaient en moyenne 1,80 mètre de glace par an. 

Les scientifiques pensaient jusqu’ici que cette fonte était de seulement 1,15 mètre chaque année.

L’accélération de la fonte des glaciers constitue l’un des effets du changement climatique, observent les chercheurs ayant mené l’étude (en anglais). 

« Ce phénomène est observé sur tous les glaciers du massif Alpin situés sous une altitude de 3 500 mètres », souligne Christian Vincent. 

Certaines années, comme 2003, 2015 ou 2017, sont particulièrement inquiétantes. 

« A ce rythme, il ne fait aucun doute que tous les glaciers situés sous cette altitude auront disparu d’ici 2100, martèle le glaciologue. 

Même avec un scénario de réchauffement climatique modéré, celui de Saint-Sorlin [Savoie] disparaît d’ici 2080, alors qu’il est situé à 3 460 mètres d’altitude.

La situation est moins préoccupante pour les glaciers situés à très haute altitude qui bénéficient de conditions plus favorables. 

« Au-dessus de 3 500 mètres, ils vont diminuer mais résister longtemps au réchauffement climatique », assure Christian Vincent. 

L’épaisseur du glacier du dôme du Goûter, l’un des contreforts du mont Blanc, n’a ainsi varié que « de quelques mètres seulement depuis le début du XXe siècle ». 

« Par comparaison, le bas de la mer de Glace a enregistré une perte de 120 mètres sur la même période », souligne le glaciologue. 

Il n’y a toutefois que peu de glaciers au-dessus de 3 500 mètres dans le massif alpin.

Les cours d’eau affectés par la fonte

Cette fonte inéluctable des glaciers ne concerne pas uniquement les skieurs et les alpinistes, qui verront la superficie de leurs terrains de jeu diminuer dans les prochaines décennies. 

« Les glaciers alimentent les cours d’eau, avec des débits plus importants pendant l’été, rappelle Christian Vincent. 

L’accélération de la fonte va avancer ces pics dans l’année mais aussi réduire le débit de certains cours d’eau. 

Cela peut notamment affecter la production d’électricité des barrages. » 

Le massif alpin ne devrait toutefois pas connaître la même situation que celle observée, mi-avril, dans le territoire canadien du Yukon 

La fonte, en seulement quatre jours, du glacier Kaskawulsh avait modifié le ruissellement des eaux et donc l’écoulement de deux rivières. 

« Il n’y aura pas de situation catastrophique dans les Alpes, ni même de grave épisode de sécheresse, car cette zone bénéficie de précipitations régulières qui continueront à alimenter les cours d’eau », estime ainsi le glaciologue.

Avalanches de glace et glissements de terrain

Christian Vincent s’inquiète aussi de la chute des glaciers suspendus, situés à très haute altitude. 

Leur température interne est négative, entre -11°C et -17°C sur ceux du massif du mont Blanc, contre 0°C pour les glaciers situés plus bas. 

« Ces glaciers se situent sur des pentes très raides mais sont ‘collés’ à la roche par les températures négatives. 

S’ils venaient à se réchauffer, de l’eau coulerai à leur base et pourrait les faire déraper subitement, provoquant des avalanches de glace. » 

Ce phénomène représenterait évidemment un grave danger pour les alpinistes. 

Mais pas seulement. « Quelques glaciers des Alpes françaises surplombent des vallées, comme celle de Chamonix, souligne Christian Vincent. 

Cela pose donc la question de la gestion du risque en aval. » 

Concrètement, certaines habitations, situées sur les communes de Chamonix et des Houches, sont menacées.  

Pour ne rien arranger, le réchauffement climatique « dégrade » aussi « le permafrost, le sol gelé en permanence qui cimente les montagnes », indique Ludovic Ravanel, géomorphologue au CNRS, au Dauphiné Libéré. 

Cela peut entraîner « des laves torrentielles », des « coulées de boue » ainsi que d’importants glissements de terrain. 

Le 23 août dernier, quelque quatre millions de mètres cubes de roches et de terre se sont ainsi détachés du Piz Cengalo, tuant huit randonneurs et dévastant le village suisse de Bondo.

Des bâches pour protéger la glace

Certaines mesures sont testées pour faire face aux fontes. 

Des bâches blanches peuvent être installées sur des pans de certains glaciers, comme sur celui du Rhône, en Suisse. 

« Cela permet de réfléchir les rayonnements [du soleil] et de réduire la fonte de 30% environ », détaille Christian Vincent, citant « des études menées en Autriche ». 

« Le problème, c’est qu’on ne peut pas laisser ces bâches toute l’année et qu’elles ne peuvent être installées que sur de petites surfaces », explique le glaciologue.

En septembre, la station des Deux-Alpes a installé six canons à neige sur le glacier, pour le recouvrir d’un manteau protecteur, rapporte Le Parisien. 

« L’avantage de la neige de culture, c’est qu’il s’agit d’une neige beaucoup plus dense que la neige naturelle. 

Elle fond donc moins rapidement, explique au quotidien Arnaud Guerrand, responsable de l’enneigement aux Deux-Alpes. 

Autre avantage, cette neige de culture est également plus blanche. 

Or, plus un matériau est blanc, plus il renvoie les rayonnements et donc la chaleur. » 

« C’est très efficace, car la neige artificielle augmente l’accumulation », abonde Christian Vincent.

Mais, selon le chercheur du CNRS, ces mesures ne sont « que des solutions limitées ». 

« Il n’y a pas de solution à long terme et la disparition des glaciers de moins de 3 500 mètres d’altitude semble donc irrémédiable, estime Christian Vincent. 

Il faudrait vraiment ralentir le réchauffement planétaire, initier un changement drastique du climat, pour que nos glaciers retrouvent une bonne santé. »

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