Cela fait maintenant des décennies que l’humanité est bien consciente des problèmes posés par le plastique.
Certes, ces matériaux à base d’hydrocarbures sont extrêmement utiles dans des tas d’industries.
Mais ils affichent aussi un temps de dégradation incroyablement long, et peuvent donc endommager un écosystème sur le long terme.
Cette pollution est particulièrement visible dans certaines zones célèbres, comme le fameux « continent de plastique» qui s’est accumulé dans l’Océan Pacifique.
Mais plus le temps passe, plus on commence à en retrouver sous des formes plus inattendues.
On pense notamment aux microplastiques qui ont déjà colonisé toute la Terre, du sang des humains aux neiges éternelles de l’Antarctique.
Et ces dernières années, quelques géologues sont tombés sur une nouvelle forme de plastique aux implications particulièrement profondes.
Tout a commencé en 2019 avec les travaux de Fernanda Avelar Santos, une doctorante en géologie brésilienne.
Dans le cadre de sa thèse, elle est partie explorer le petit archipel volcanique de Trinidade, quelques centaines de kilomètres à l’est de la côte brésilienne.
D’étranges hybrides roche-plastique
En étudiant les spécificités du terrain, elle est tombée sur une étrange formation rocheuse à la couleur vert-bleu très inhabituelle.
À première vue, on aurait pu croire qu’ils présentaient simplement une concentration importante en cuivre.
Ce métal a tendance à virer au vert lorsqu’il est oxydé ; c’est par exemple ce phénomène qui a donné sa couleur caractéristique à la célèbre Statue de la Liberté.
Mais en regardant de plus près, elle s’est immédiatement rendu compte que quelque chose clochait.
Elle a donc emporté quelques échantillons pour les analyser dans son laboratoire, et la conclusion de ces travaux est assez stupéfiante.
Il s’agissait en fait d’une roche sédimentaire d’un nouveau genre, constituée à la fois de minéraux et de plastiques qui ont été brassés ensemble.
Or, l’archipel est un paradis perdu quasiment inhabité par les humains.
Seuls une base militaire et un centre de recherche scientifique viennent troubler la quiétude de la faune locale.
Cela signifie que ces roches ne se sont pas formées à partir de matériaux présents sur place.
Pour finir sous cette forme, du plastique provenant d’une autre région du globe a dû s’infiltrer parmi dans les processus géologiques qui conditionnent la formation des roches depuis la nuit des temps.
Les géologues en terre inconnue
Et cette découverte frappante regorge d’implications profondes littéralement sur le rôle de l’humanité dans l’évolution de son environnement.
L’apparition de ce matériau signifie que l’impact des humains ne se limite plus aux couches supérieures de la Terre.
La pollution plastique fait désormais partie intégrante des processus géologiques fondamentaux de la planète.
« Nous en avons conclu que les êtres humains jouent désormais le rôle d’agents géologiques.
Ils influencent des processus qui étaient auparavant entièrement naturels, comme la formation des roches », explique la géologue à l’AFP.
En d’autres termes : la pollution plastique est carrément en train de faire évoluer des notions très anciennes, comme la définition même d’une formation sédimentaire.
Le phénomène commence même à prendre des proportions considérables.
En poussant ses travaux plus loin, la chercheuse a remarqué que des formations géologiques comparables avaient déjà été sommairement documentées par d’autres spécialistes.
Santos a donc proposé une première classification de ces « roches plastiques ».
Elle les a subdivisées en trois catégories, baptisées en fonction de leur ressemblance avec des espèces géologiques purement minérales.
La première partie concerne des « plastiglomérats » qui sont structurellement comparables aux conglomérats.
Elle mentionne aussi des « pyroplastiques » qui ressemblent aux roches pyroclastiques, composées principalement de matériel volcanique.
Le dernier type, baptisé « plastiroches », est plus proche des roches ignées qui se forment suite à la solidification d’un magma.
Une dynamique à surveiller de près
À partir de maintenant, Santos compte se focaliser entièrement sur cette nouvelle thématique.
Sa principale crainte, c’est qu’au fil de l’érosion, ces plastiroches finissent par devenir des sources actives de microplastiques.
Elles pourraient alors contaminer la chaîne alimentaire de ces écosystèmes quasiment immaculés sur le long terme.
Ces travaux sont aussi une bonne piqûre de rappel sur l’impact démesuré des plastiques.
L’apparition de ces « plastiroches » dans des zones quasiment vierges de tout déchet plastique montre bien que le problème touche la planète entière, y compris les régions qui ne contribuent pas du tout à cette pollution.
On peut aussi les considérer comme des marqueurs de ce qu’on appelle l’Anthropocène, une nouvelle ère géologique caractérisée par l’influence croissante de l’humanité sur son environnement.
Espérons donc que l’industrie et les décideurs politiques prendront les bonnes décisions à l’avenir, sous peine de voir apparaître une section entière dédiée aux roches plastiques dans les manuels de géologie…