Hélas en France il n’y a pas d’avancée sur ce sujet.

Après 2020, annus horribilis pour la corrida.

Quid de 2021 ?

Les conséquences de la crise sanitaire planétaire et des mesures de confinement pour l’endiguer ont porté plusieurs banderilles à la tauromachie dans le monde.

Si l’espoir de voir cette barbarie reléguée au passé en France, en Espagne et au Portugal a pris de la consistance, c’est en Amérique du Sud que l’on devrait constater les prémices de sa disparition.

L’estocade finale pourrait en effet lui être portée dans un avenir proche.

Un ancrage menacé sur le continent sud-américain

« L’Amérique du Sud verra très certainement les prochaines interdictions de corridas, analyse Roger Lahana, président de l’association No Corrida, partenaire de la Fondation 30 Millions d’Amis.

Il y a une réelle tendance, très soutenue par le public, pour aller vers une abolition pure et simple.

La crise sanitaire qui a déjà fortement touché les taurins en Espagne, au Portugal et en France, semble avoir accéléré les initiatives, parfois historiques, tendant à la fin de la tauromachie dans certains des 8 pays l’autorisant [France, Espagne, Portugal, Mexique, Colombie, Vénézuela, Pérou et Equateur, NDLR]. »

Si les indices tangibles d’un délitement de la corrida s’accumulent, il est toutefois trop tôt pour annoncer la fin de cette pratique au vu de son ancrage, y compris en Amérique du Sud :

« La corrida en Amérique du Sud est historiquement liée au colonialisme, évoque Leonardo Anselmi, directeur de la Fondation de protection animale Franz Weber en Europe du Sud et en Amérique latine.

Les conquistadors ont imposé les idées médiévales européennes, qu’elles soient violentes, obscures ou oppressantes.

Ces positions conservatrices ont demeuré dans le continent alors qu’elles s’effilochaient en Europe.

Seuls des pays comme l’Uruguay ou l’Argentine, plus influencés par la culture européenne actuelle, ont aboli les corridas dès leur première constitution au 19e et 20e siècle. »

Pour ce spécialiste de la tauromachie dans le monde, il faudra tout autant tenir compte « du poids du lobby taurin » que « de l’importance de la corruption… ».

« Toute évolution dépendra énormément du pouvoir politique en place, tempère-t-il.

Beaucoup de pays ont gagné la bataille législative avant que la justice ne s’en mêle… et ré autorise la corrida. »

Reste que depuis quelques mois, des signaux factuels viennent renforcer les espoirs de la disparition de cette activité dans certains pays sud-américains.

Petit tour d’horizon.

Le Venezuela en fer de lance ?

Sept.

C’est le nombre de spectacles tauromachiques qui se sont tenus en 2020 au Vénézuela, d’après l’association de défense des animaux AnimaNaturalis (même chiffre qu’en 2019) : trois à Mérida, une dans la Valle la Pascua et trois à San Cristóbal.

Cette grande ville du sud-ouest du pays pourrait d’ailleurs devenir le symbole de la mort de la corrida dans le pays où elle est déjà interdite mais encore pratiquée.

Accueillant la Feria internationale de San Sebastián, la plus importante, la ville a décidé de se délester des spectacles tauromachiques en 2021, une première en 56 ans !

« Le Venezuela est déjà le pays tauromachique avec le moins de corridas à l’année, souligne Roger Antonio Pacheco, directeur de l’antenne d’AnimaNaturalis au Venezuela.

Depuis 2016, seules deux provinces en ont réellement organisé : Táchira et Mérida.

La conjoncture sanitaire a porté un coup sévère au monde taurin.

De grandes villes comme Caracas, Maracaibo, San Felipe et Maracay ont décidé d’abandonner cette cruauté.

Beaucoup de gens pensent même à tort qu’elle est déjà abolie.

Nous prévoyons que la corrida mourra dans les deux prochaines années. »

Le Venezuela est d’ailleurs régulièrement cité, parmi les associations de protection animale, comme étant le probable premier pays à quitter le ‘’club des 8’’.
«

Le Venezuela est quasiment débarrassé des corridas parce que les villes qui en organisaient ont cessé de le faire au fil des ans, renchérit Roger Lahana.

Le désintérêt du public et, surtout, la crise financière gigantesque que connaît ce pays depuis des années, en sont les raisons principales. »

En Équateur, la capitale se débarrasse de la corrida

Autre pays multipliant les signaux positifs pour un arrêt de la corrida, l’Équateur qui a encore franchi un pas supplémentaire.

Dans la capitale, Quito, une ordonnance municipale a tout simplement décidé d’interdire tout « spectacle public ou privé impliquant la souffrance, la maltraitance, la mort ou toute atteinte au bien-être animal » (10/1/2021).

Autrement dit, la corrida sous toutes ses formes et les combats de coq ferment boutique.

Une décision motivée par le souhait de plus de 50% des habitants d’en finir avec ces activités.

Un litige avec la Cour constitutionnelle d’Équateur étant en cours, il faudra toutefois attendre pour l’officialisation.

« Je peux dire avec certitude que bientôt l’Equateur sera libéré de la corrida, lance Carlos Alberto Campaña Gallardo, président du mouvement associatif Familias Antitaurinas a la Abolición (FATA) qui a largement œuvré pour cette issue.

Nous pouvons dire aujourd’hui que le peu de villes qui continuent d’organiser des spectacles taurins font face à un rejet massif.

La tauromachie tombe de tout son poids.

Le citoyen moyen est devenu plus critique envers les spectacles de torture animale. »

Au-delà de la pression citoyenne, la pandémie a incontestablement enfoncé le clou : « L’impact de la pandémie a été accablant, souligne Carlos Alberto Campaña Gallardo.

Elle a neutralisé la quasi totalité des spectacles.

Trois villes organisent des événements taurins d’importance : Latacunga, Ambato et Riobamba.

Seule la première est parvenue à en faire une, début décembre. »

La Colombie avance politiquement vers une abolition

En Colombie, les tentatives législatives de mettre fin à la corrida ont jusque-là été mises en échec.

Une Commission de la Chambre des Représentants, que l’on peut comparer à l’Assemblée nationale en France, a tout de même voté pour un projet de loi interdisant toutes les pratiques taurines dans le pays.

Comme chez nous, un long processus s’est enclenché avant l’adoption définitive de ce texte.

« Un projet abolitionniste est toujours compliqué, mesure Carlos Crespo, président de l’association Colombia sin toreo et membre de la coalition internationale Resistencia Natural (REN).

Les lobbyistes favorisant les intérêts taurins sont nombreux.

Toutefois, nous constatons qu’il est de plus en plus compliqué pour les politiques d’afficher un soutien à la corrida sans qu’il y ait une sanction dans les urnes.

C’est pourquoi, peu à peu, ces initiatives législatives se renforcent. »

Le rejet social envers la tauromachie ne cesse de croître en Colombie.

La pratique perd de son poids et ne tient plus qu’aux intérêts économiques et politiques.

Des intérêts eux-mêmes impactés depuis la pandémie.

« Même les taurins se considèrent comme une minorité, note malicieusement Carlos Crespo.

La société colombienne est moralement et législativement prête à passer à l’abolition. La pandémie a en outre tout ralenti, dont l’activité taurine.

Devant la baisse du public, beaucoup se sont adaptés en organisant des manifestations locales… illégales.

Mais le muscle économique des taurins reste puissant.

Il y a encore du travail pour l’affaiblir. »

Les nouvelles générations fragilisent la corrida au Pérou

Lima vient-t-elle de sonner le glas de la corrida au Pérou ?

La capitale a, en tout cas, pris le chemin de l’interdiction en votant un vœu à l’encontre de la tradition taurine en septembre l’an dernier.

Déjà, les arènes d’Acho, parmi les plus emblématiques du continent, n’ont pas été le théâtre de combat avec les taureaux en 2020, conséquence de la crise sanitaire.

Une première depuis 1946 !

Avec près de 200 arènes, le pays compterait environ 600 corridas par an, d’après les taurins.

Mais le coronavirus est passé par là…

« Le fait qu’il n’y ait pas de corridas cette année est une petite mort pour les éleveurs, s’est lamenté à l’AFP Rafael Puga, un ancien torero reconverti en éleveur.

Certains ne pourront pas tenir parce que le bétail a besoin de manger tous les jours. »

Si le Pérou ne fait pas partie des pays les plus proches de l’abolition, il ne fait guère exception dans la crise la plus grave qui touche la corrida.

« Le changement de mentalité par une partie de la population est évident, soutient Kelly Maguiña, porte-parole de l’association anti-taurine Acho sin Toros.

Il y a moins de tolérance vis-a-vis de ce spectacle sanglant.

La grande majorité est en faveur de l’abolition des corridas.

Il ne manque plus que le soutien politique. »

Au-delà des coups de semonce de la situation sanitaire, ce sont les nouvelles générations qui pourraient en finir avec la corrida :

« Le déclin est une question de temps et de génération, estime Kelly Maguiña.

Les nouveaux leaders politiques promeuvent de plus en plus l’arrêt de la violence envers les animaux.

Sans compter que la corrida n’a pas de réel impact sur l’économie… »

Le Pérou, bien qu’il ne soit pas le pays plus avancé vers l’abolition de la corrida, ne fait guère une exception et semble également engagé à fragiliser ce château de cartes… en passe de s’écrouler.

Si la corrida en Amérique du Sud a pris du plomb dans l’aile, un pays d’Amérique latine fait toutefois div d’exception et résiste à la lame de fond qui ébranle l’activité tauromachique :

« Le pays où le lobby taurin a le plus de force au monde est sans aucun doute le Mexique, confirme Leonardo Anselmi.
Plus encore que l’Espagne.

J’oserais même dire que le dernier bastion taurin au monde sera Aguascalientes, un territoire avec son propre écosystème taurin, entre ganadérias, grandes places, écoles taurines et une très haute proportion d’aficionados. »

En France, la puissante minorité des taurins

S’il semble acquis que la corrida disparaîtra dans un avenir plus ou moins proche, y compris dans l’hexagone, il est important de ne pas sous-estimer la puissance du lobby taurin.

Nous pouvons le constater en France où la résistance dans certains départements reste très forte.

Pour preuve, le conseil municipal de Nîmes a souhaité voter une aide de 201 587 euros à la société de Simon Casas, délégataire des arènes pour les spectacles tauromachiques (19/12/2020).

Une aide toutefois réduite à 123 980 euros.

« En France, les taurins sont ultra-minoritaires mais très influents aux postes de pouvoir, localement ou nationalement, constate Roger Lahana.

Cela paralyse toute initiative d’abolition de la corrida à l’Assemblée nationale. »

Hormis une proposition du député des Alpes-Maritimes Éric Pauget (LR) , la corrida a en effet été écartée des débats devant la représentation nationale lors des discussions législatives autour de la récente loi contre la maltraitance animale.

« Il est assez extraordinaire que des pays d’Amérique latine, souvent confrontés à une grande misère sociale, agissent tout de même contre la barbarie des corridas pour des raisons éthiques, tance Thierry Hély, président de la FLAC (Fédération des luttes pour l’abolition des corridas).

Quelle leçon pour la France qui méprise une grosse majorité de la population opposée à la pratique. »

Nonobstant, les ONG de protection animale dont la Fondation 30 Millions d’Amis  restent mobilisées sur la question de l’interdiction de la corrida ou a minima de l’interdiction de la corrida aux mineurs en France.

75% des Français souhaitent l’interdiction totale de la tauromachie (Baromètre Fondation 30 Millions d’Amis/Ifop-janvier 2021).
C’est 25 points de plus par rapport à 2007, signe que les temps ont véritablement changé.

La pétition pour bannir cette barbarie a déjà recueilli plus de 413 000 signatures.

Elle est par ailleurs également disponible sur la plateforme de l’Assemblée nationale.

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