Pour l’instant les études montrent une affirmation mais pas encore de certitudes quant à l’âge exact de cet arbre

Le débat continue autour de l’âge d’un arbre chilien multimillénaire, suspecté d’être encore plus vieux que l’actuel tenant du titre  le fameux Mathusalem.

Les forêts luxuriantes des montagnes chiliennes hébergent un être vivant assez exceptionnel : l’Alerce Milenario, ou Gran Abuelo (arrière grand-père en espagnol), un arbre qui pourrait bien être le plus ancien jamais identifié sur Terre.

Une équipe de spécialistes cherche à déterminer son âge exact, qui pourrait être supérieur à 5000 ans.

L’individu en question est un Fitzroya cupressoides, un cousin du cyprès commun.

Contrairement à ce dernier qui est omniprésent autour de la Méditerranée, les Fitzroya ne prospèrent que dans les hauteurs des Andes, notamment en Argentine et au centre du Chili.

Situé dans le sud du Chili, il est devenu une vraie célébrité ces dernières années.

De plus en plus de touristes viennent lui rendre visite pour se faire prendre en photo à côté de « l’arbre le plus vieux du monde » selon le folklore local  même si cette qualification est sujette à débat.

Les autorités ont même dû prendre quelques précautions pour le protéger.

Mais il reste tout de même accessible au public.

Cela représente une différence considérable par rapport au leader officiel de cette catégorie, à savoir Mathusalem.

À l’heure actuelle, c’est ce dernier qui est officiellement considéré comme le plus vieil arbre du monde, avec 4854

années au compteur.

En revanche, son emplacement est gardé secret pour le protéger des curieux mal intentionnés qui voudraient s’en approprier un morceau.

On sait seulement que ce pin à l’âge canonique est situé quelque part dans les White Mountains, en Californie.

Entre Mathusalem et Gran Abuelo, qui est le plus vieux ?

Depuis quelque temps, l’équipe du Dr Jonathan Barichivich, Directeur de Recherche au CNRS basé au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE) de Paris essaie de déterminer si Gran Abuelo pourrait éventuellement battre le record de Mathusalem.

Ce chercheur entretient d’ailleurs un lien tout particulier avec son sujet d’étude.

Dans une interview de 2022 au prestigieux magazine Science, il expliquait son grand-père lui-même a découvert l’arbre en 1972.

Forcément, il occupe une place importante dans sa famille.

« C’est un arbre qui nous tient énormément à cœur », assure-t-il.

Reste encore à savoir si « Papy » est véritablement l’arbre le plus âgé du monde  mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

Pour déterminer l’âge d’un arbre, les spécialistes ont généralement recours à la dendrochronologie.

C’est une discipline centrée sur l’étude des cernes à des fins de datation.

Pour rappel, ce sont les cercles concentriques bicolores qui se forment toujours au même rythme, à savoir un cerne par année, pour constituer le tronc.

Il suffit donc de les compter pour déterminer l’âge exact de l’individu.

Pour les plus grands arbres, cela passe généralement par le prélèvement d’une carotte de bois d’un mètre de long.

Le problème, c’est que Gran Abuelo affiche un diamètre impressionnant de 4 mètres.

Le cylindre standard ne suffit donc pas à compter chaque cerne individuellement.

Barichivich a donc utilisé des techniques alternatives.

Il a construit un modèle statistique en s’appuyant sur le prélèvement partiel de Gran Abuelo, qui couvrait une période d’environ 2400 ans.

Le chercheur y a ensuite intégré des données collectées chez d’autres arbres de la même espèce, ainsi qu’un tas de facteurs environnementaux.

Au bout du processus, il a déterminé que l’arbre pourrait être âgé de… 5 484 ans !

Le cas échéant, il s’agirait de l’arbre le plus vieux du monde avec une avance considérable.

Une analyse pas tout à fait concluante

Mais il y a un hic : ce genre de méthode statistique ne permet pas d’arriver à un résultat entièrement probant.

Elle propose seulement une estimation qui devient de plus en plus précise au fur et à mesure qu’on intègre de nouvelles données au modèle.

Pour cette raison, certains spécialistes de la dendrochronologie pure et dure ont froncé les sourcils.

« La SEULE façon de vraiment déterminer l’âge d’un arbre, c’est le comptage des cernes, et il faut que TOUS les anneaux soient présents », martelait par exemple Ed Cook, directeur du prestigieux Tree Ring Laboratory de l’Université de Columbia, dans une interview à Science en 2022.

« Les extrapolations statistiques peuvent facilement être faussées, parce qu’un jeune arbre pourrait par exemple avoir eu moins de compétition  et donc avoir grandi plus vite à un moment donné », précisait-il.

D’autres chercheurs ont cependant été convaincus par la méthodologie de Barichivich, qui affirmait avoir confiance en son approche dans ce même article.

Selon lui, la méthode peut tenir compte de ces variations même s’il admet volontiers qu’il reste forcément une part d’incertitude.

« 80 % des trajectoires de croissance possibles nous donnent un âge supérieur à 5000 ans », expliquait-il à Reuters.

« Il n’y a que 20 % de chance que l’arbre soit plus jeune. »

Un an plus tard, l’équipe ne semble toujours pas avoir publié le papier de recherche tant attendu.

Pour le moment, il est donc toujours impossible d’affirmer que Gran Abuelo a battu le record.

À ce jour, Mathusalem reste officiellement l’arbre le plus ancien à avoir été identifié.

Mais cela n’empêchera pas les locaux de s’enorgueillir de ce record officieux.

Un trésor biologique, avec ou sans record

En outre, l’objectif prioritaire de ces travaux n’est pas d’établir un record pour le principe.

Même si une nouvelle étude révélait qu’il est en fait un peu plus jeune que Mathusalem, cela n’enlèverait rien à son statut exceptionnel.

Après tout, les êtres vivants aussi anciens ne se bousculent pas au portillon.

« Il y a de nombreuses autres raisons qui lui donnent de la valeur et qui justifient de le protéger.

Ces arbres anciens ont un patrimoine génétique et une histoire uniques qui en font des symboles de résistance et d’adaptation.

Ce sont les meilleurs athlètes de la nature », détaille Barichivich dans une interview au Japan Times.

En effet, la formation des cernes est directement affectée par les conditions environnementales.

En étudiant leur structure, on peut donc extraire des tas d’informations sur le climat et l’environnement local à une période donnée.

Les arbres multimillénaires sont de véritables archives biologiques à la valeur scientifique inestimable.

C’est d’autant plus vrai pour les plus anciens comme Gran Abuelo, qui permettrait théoriquement de remonter jusqu’à… la fin de l’âge de Pierre, à peu de choses près.

Du moins, à condition que le cœur de l’arbre ne soit pas entièrement décomposé, ce qui est malheureusement assez fréquent chez les spécimens aussi anciens.

Il conviendra donc de guetter la publication d’une étude en bonne et due forme.

Record ou pas, « Grand-Père » restera sans aucun doute un objet d’étude de première catégorie.

 

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