Les principaux dangers se trouvent en Asie et en Amérique.

Fin août 2023, l’ONG internationale CIWF a publié un rapport  sur la grippe aviaire dans lequel elle synthétise les éléments scientifiques attestant des risques immédiats dus aux élevages industriels aviaires et porcins.

Elle exhorte les gouvernements à une restructuration radicale de l’industrie avicole en limitant les densités d’élevage, en évitant la spécialisation par territoire, en diversifiant les races.

Les départs de zoonoses à travers le monde correspondent en particulier aux installations d’élevage industriel.

Les grands élevages d’animaux identiques sont en effet un réservoir idéal pour le développement de virus pathogènes transmissibles aux humains. 

Ces épidémies posent problème pour la santé humaine, et dans l’approche One Healthl’élevage industriel est peu abordé.

Ce mode d’élevage industriel est également le vecteur de l’antibiorésistance qui fait l’objet d’une pandémie silencieuse. 

80% des antibiotiques sont communs en santé humaine et animale.

Or, la prise d’un antibiotique exerce une pression de sélection sur les bactéries qui résistent à l’antibiotique concerné.

L’élevage industriel, de quoi parle-t-on ?

Le sociologue, à l’INRAE, basé dans le laboratoire IRISSO à l’Université Paris Dauphine,

Nicolas Fortané explique :

« L’élevage industriel se définit par son aspect intensif.

Il se caractérise par la concentration, le confinement des animaux, l’augmentation de la taille des troupeaux, la standardisation génétique aussi des animaux : des facteurs favorables à l’émergence de nouveaux virus pathogènes.

Ces élevages s’intègrent souvent dans des chaînes de production industrielle qui comprennent l’abattage, l’industrie de l’alimentation, l’industrie pharmaceutique…

L’élevage est une industrie mondialisée. Les distances et le volume de circulation des animaux et des produits animaux ont considérablement augmenté.

Et de là aussi provient ce fameux risque de transmission de maladie. »

La prochaine pandémie viendra-t-elle des élevages industriels ?

Magali Reinert, journaliste pour Reporterre et autrice avec Yann Faure d’une série d’articles sur le sujet, s’est intéressés à l’élevage suite aux alertes des organisations sanitaires internationale sur la récente grippe aviaire hautement pathogène présentant des risques pour la santé humaine

« On a l’impression qu’en France, quand on parle de grippe aviaire, c’est un débat de vétérinaire, ou agricole, on ne parle pas des enjeux de santé humaine. »

Or, l’élevage industriel représente un lieu idéal pour le développement des maladies infectieuses qui passent de l’animal à l’homme.

Benjamin Roche est éco-épidémiologiste, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement  Centre IRD de Montpellier.

Il explique :

« Un virus pour se transmettre, doit s’adapter à son hôte.

Or, dans les élevages industriels, la diversité génétique est très faible.

Les animaux sont quasiment des clones.

Le virus peut facilement s’adapter de façon quasi parfaite à son hôte, et donc se transmettre de façon importante.

À l’inverse, en cas de diversité génétique comme dans des élevages plus modestes, le virus va devoir s’acclimater à différents génotypes d’hôtes, et donc, se transmettra moins bien ensuite.

Par ailleurs, les élevages industriels nécessitent de la main-d’œuvre.

Les personnes qui y travaillent sont en contact prolongé avec des animaux qui transmettent des virus.

Donc la probabilité d’adaptation à l’homme du virus va être importante.

Grippe aviaire G4, grippe porcine…

La seule solution reste la surveillance des personnes qui travaillent dans les élevages et de leur famille. »

Un phénomène ancien, aujourd’hui prévisible et sous surveillance

Le passage de la maladie de l’animal à l’homme est aussi ancien que l’élevage.

Nicolas Fortané reconnaît que le phénomène s’est accru

« Les formes d’élevage moderne et contemporain et le processus d’industrialisation va exacerber ces risques-là.

Mais depuis la fin du XXᵉ siècle, on a mis en place des institutions, et la profession vétérinaire, qui sont là pour gérer ces maladies animales, qu’elles soient transmissibles, ou non, à l’homme.

Il existe des « hotspots » des zones où la probabilité d’émergence de nouveaux virus est plus importante parce qu’il y a une concentration plus forte d’animaux, une promiscuité avec les hommes, et une modification des écosystèmes avec des phénomènes de déforestation.

Ils se trouvent principalement en Amérique ou en Asie. »

Une pandémie silencieuse : l’antibiorésistance

En plus des pandémies, et des zoonoses, les élevages intensifs alimentent l’antibiorésistance. Pour Magali Reinert :

« Il existe une véritable vigilance sur l’utilisation des antibiotiques.

On ne peut plus les utiliser pour faire grossir les animaux….

Mais malgré la diminution de ces médicaments, on voit des phénomènes de l’antibiorésistance se maintenir dans les élevages.

Et d’ailleurs, aujourd’hui, on ne sait plus s’en passer dans les élevages industriels. »

Benjamin Roche ajoute :

« Or, si un élevage en entier est traité par antibiotiques de façon préventive, la bactérie qui est sensible aux antibiotiques va disparaître, mais la bactérie résistante aux antibiotiques va se transmettre de façon très importante.

Ces bactéries peuvent se retrouver dans les populations humaines !

Et nous mangeons alors des animaux traités aux antibiotiques…

Et devenons à notre tour antibiorésistants… »

 

 

 

 Source : Reporterre

Poster un commentaire